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22/03/2019

Flagrant délit de fuite

Ainsi va notre époque : nous nous agitons, mais nous agissons peu, dans le sens de «transformer plus ou moins ce qui est», de changer le monde, de préparer l'avenir. Profiter du moment qui passe, jouir de l'instant, tel semble être notre unique souci. Et foncer tête baissée dans le brouillard, dans le mur peut-être. Au mieux, vouloir refaire le monde en paroles, mais en fait suivre le mouvement, être dans le mouvement.

Et comment pourrait-il en être autrement ? «La Fin de l'histoire» diagnostiquée par Francis Fukuyama, signifie que le modèle de la démocratie libérale paraît aujourd'hui indépassable. Bien sûr, il y aura des coups d'arrêt voire des retours en arrière, mais le chemin apparaît tout tracé. Et mises à part des améliorations ici ou là, notamment concernant la participation des citoyens et des salariés, il n'y a rien d'autre à espérer.

L'avenir n'est plus ouvert. Il n'y a plus d'horizon. Le quotidien envahit notre vie. «Une vie de détails», sans éclat, sans souffle ni élan, faite de "petits bonheurs" dont nous devons nous satisfaire. «No future», mais la routine d'un présent qui ne rime et ne mène à rien. Avec pour obsession : la fuite des temps morts dans des passe-temps stériles, de peur peut-être de nous retrouver seuls face à nous-mêmes et à notre misère morale.

Combien sommes-nous à nous réfugier ainsi dans un monde fictif pour échapper à l'insupportable réalité du présent ? Ce qui a de l'avenir, c'est le virtuel. Les trois "i" - images, icônes, idoles - nous maintiennent dans le "purement symbolique" ou l'illusion. Pourvoyeurs d'émotions, ils nous subjuguent, nous transportent "sur place" par médias interposés : BD, presse illustrée, cinéma, télévision, vidéogramme, ordinateur...

Et là devant nos écrans, devant tous ces "miroirs" qui nous renvoient des images d'Epinal, superficielles, des images déformées de la réalité, partielles voire partiales, des images qui nous embrouillent, nous aveuglent, nous abusent et obscurcissent plus qu'elles n'éclairent le présent et l'avenir, nous nous laissons aller, vivre et faire. Déconnectés du monde réel, nous nous vidons l'esprit devant le vide du spectacle présenté.

La torpeur nous envahit. Bien confortablement installés dans notre rêve éveillé, nous vivons sur des acquis et profitons de rentes de situation. Pourquoi ne pas laisser les choses telles quelles ? Ne vaut-il pas mieux ne pas trop réfléchir, ni trop se poser de questions ? et en rester à nos occupations pendant que d'autres s'occupent de parler et parfois d'agir à notre place, de nous endormir et de s'endormir sur des lauriers bien fanés.

20/09/2013

La concentration contre la répartition

L'économiste Thomas Piketty vient de sortir aux éditions du Seuil «l'essai de la rentrée». Intitulé Le Capital au XXIème siècle, «cette somme bouleverse la réflexion sur les inégalités» écrit le magazine Télérama. Il ne faudrait toutefois pas oublier un rapport qui déjà remettait les idées en place.

Ce rapport des Nations unies sur le patrimoine avait fait l'objet d'un résumé dans une dépêche de l'AFP reprise par le journal Le Monde sur deux petites colonnes dans la page des cours de bourse. Cette étude, publiée début décembre 2006, avait été «présentée comme la plus complète jamais réalisée» et s'y replonger laisse songeur. On y apprend que «Deux pour cent de l'humanité détiennent la moitié du patrimoine des ménages, tandis que la moitié de la population mondiale en détient 1 %».

Plus intéressante encore et immédiatement analysable par chacun d'entre nous était la répartition chiffrée. «Un patrimoine personnel de 2 200 dollars ou plus [± 1 700 euros à l'époque] permet de faire partie des 50 % de personnes les plus riches au monde, 61 000 dollars [± 47 000 euros] "suffisent" pour compter parmi les 10 % de personnes les mieux dotées et 500 000 dollars [± 385 000 euros] pour accéder au club très fermé du 1 % des individus les plus fortunés.»

En fait, "Les inégalités de patrimoine sont encore plus grandes que les inégalités de revenus" observait Anthony Shorrocks, directeur de l'Institut mondial de recherche sur l'économie du développement de l'université des Nations unies (UNU-WIDER), basé à Helsinki. Phénomène que l'on retrouve en France, une étude de 2005 du Cerc-Association montrant même que depuis 1982 (!), les ménages sans patrimoine avaient vu leurs revenus d'activité (salaires + prestations sociales, hors retraites) fortement chuter.

Cette enquête des Nations unies prend en compte l'ensemble «des actifs de chaque individu adulte (propriétés immobilières, foncières, portefeuille financier...) moins les dettes, en tenant compte des taux de change et du pouvoir d'achat. Les revenus (salaires, retraites, allocations) ne sont pas exprimés». Il apparaissait ainsi que la concentration de la richesse est très forte tant entre les pays qu'à l'intérieur d'un même pays.

La concentration de la richesse dans les pays les plus développés n'étonnera personne : «25 % des 10 % des personnes les plus riches vivent aux Etats-Unis, 20 % au Japon, 8 % en Allemagne, 7 % en Italie, 6 % en Grande-Bretagne, 4 % en France et en Espagne». Mais au sein des pays : "La part de richesse détenue par les 10 % les plus riches s'échelonne d'environ 40 % en Chine à 70 % aux Etats-Unis, voire plus dans d'autres pays".

Il est surprenant de constater qu'alors que le modèle est soi-disant la démocratie libérale, on assiste non seulement à une concentration de la richesse mais aussi à une concentration des entreprises (oligopoles) et à une concentration du pouvoir entre quelques mains (oligarchie). Le "capitalisme financier" semble en fait incompatible avec une juste répartition de la richesse. Que penserait alors l’oligarchie financière d’une meilleure redistribution ?!