23/05/2014
Liaisons dangereuses
Ah ! L'actualité. Cette actualité médiatique qui nous met le nez sur l'écume des jours. Paul Valéry écrivait dans Regards sur le monde actuel chez Folio essais : «Les événements ne sont que l’écume des choses, ce qui m'intéresse, c'est la mer». Et André Gide affirmait : «Pour bien décrire quelque chose, il ne faut pas avoir le nez dessus». Au lieu de ça, le nez dans le guidon, nous sommes condamnés à ne pas voir plus loin que le bout de notre nez.
Mais cela n'en arrangerait-il pas plus d'un, voire cela ne serait-il pas recherché ? François Bayrou dans son discours de clôture de l'Université d'été des jeunes UDF du 2 septembre 2006 à La Grande Motte, s'en prenait aux «détenteurs de ces immenses puissances, de ces forces de frappe industrielles et médiatiques qui jouent un si grand rôle dans la formation de l'opinion», et au «lien d'intimité et d'intérêt entre ces puissances et le pouvoir, actuel ou futur».
Déjà fin 2001 dans Relève chez Grasset, il vilipendait «la culture de cour», «la fréquentation des influents», «les carrières (...) par la faveur», «les ambitions (…), cherchant la faveur du prince, ou la faveur des favoris, et même celle des favoris des favoris». Et Philippe Meyer en 2002 avec son Démolition avant travaux chez Robert Laffont poursuivait la même réflexion, qu'on pourrait d'ailleurs élargir à d'autres que Bouygues, Dassault ou Lagardère. Exemples : Arnault, Bolloré, Lucas (Crédit Mutuel), Niel, Pinault, Rothschild...
«L'état de dépendance de ces compagnies à l'égard des pouvoirs publics conduit (...) à des censures, à des autocensures et à des complaisances (...). Il constitue aussi l'une des explications du trop d'intérêt que les médias accordent aux hommes politiques et à leurs partis, du trop d'espace qu'ils réservent aux appareils d'État et à leurs dirigeants et du peu de place et de travail qu'ils consacrent à observer la société et à chercher à la comprendre.
«La presse française d'information générale, écrite ou électronique, continuait Philippe Meyer, est un mélange d'informations sur et pour le microcosme et de séquences divertissantes ou futiles. Les secondes amusent la galerie et les premières fortifient continûment le caractère incestueux des relations entre les pouvoirs politique, financier, culturel et le prétendu quatrième pouvoir, qui a renoncé à être autre chose que le partenaire des trois autres».
Et il concluait que ce système verrouillé est incompatible «avec ce que la démocratie suppose de fluidité, d'égalité d'accès aux moyens d'agir, d'apprendre, de dire, de savoir, de débattre». Et puis, "Porter à la connaissance du public" n'a rien à voir avec "exercer une action sur le public". Lord Northcliffe, patron de presse, disait en 1903 : «Quelque part, quelqu'un cache quelque chose. Là se situe l'information, tout le reste n'est que de la publicité».
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06/12/2013
De l'utilité des "idiots"
II est attristant de s'apercevoir que chez beaucoup d'hommes «l'ignorance peut les combler», comme l'écrit Frédéric Schiffter dans Pensées d'un philosophe sous Prozac aux éditions Milan. Ils se satisfont de peu, s'occupent ou se distraient avec peu de chose, et promènent parfois leur air suffisant, inconscients de leur insuffisance ou s'en accommodant. Lénine avait une expression pouvant qualifier ce genre d'individus : «idiots utiles».
"Idiots" par leur manque de connaissances ou de pratique dans un domaine ou plus généralement d'instruction, de savoir, par l'absence de connaissances intellectuelles, de culture générale ou par leur inexpérience totale. Ou "Idiots" aussi par leur confiance, leur foi, leur obéissance, leur soumission aveugle et leur manque de discernement. Ou bien "Idiots" encore par leur adhésion sans réserve à une idéologie, officielle ou non.
Mais ces adeptes - fidèles ou partisans - sont aussi utiles car ils rendent des services irremplaçables aux pouvoirs en place. Ne serait-ce que parce qu'ils ne s'interrogent pas, ne discutent pas les ordres et sont prêts même pour certains d'entre eux à servir de fusibles. Ces parfaits serviteurs ne sont pourtant pas à plaindre car ils ont des compensations et retombent toujours sur leurs pieds grâce à leur(s) protecteur(s).
"Pour services rendus", ils se voient souvent offrir faveurs et places, des positions enviables. Chacun y trouve son compte. Nos «commis dévoués», petits ou grands, sont à la solde des puissants pour accomplir leurs hautes ou basses besognes et maintenir le statu quo, l'état actuel des choses, avantageux pour eux. Ces hommes de confiance ont ainsi la satisfaction d'avoir leur part du gâteau et de jouir d'une parcelle de pouvoir.
Le problème en démocratie c'est quand cela touche les "contre-pouvoirs". Si ceux-ci se font les complices des pouvoirs pour se partager les droits et les avantages du pouvoir, s'ils ménagent les influents pour se ménager des situations confortables, s'ils se laissent acheter, le pouvoir des uns n'arrête plus le pouvoir des autres qui devient absolu. La critique et la contradiction devenant même, sinon impossibles, au moins impuissantes.
C'est aussi vrai pour des doctrines présentées comme les seules valables, qui réclament d'être servies par des gens emplis de certitudes. Et «L'ennui dans ce monde, c'est que les idiots sont sûrs d'eux et les gens sensés pleins de doutes» (Bertrand Russell). Mais à laisser filer les choses suivant les plans de quelques-uns ou suivant la pente prise, sans les mettre en doute, n'agirions-nous pas tous en «idiots utiles» ?
09:38 Publié dans Démocratie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'ignorance, frédéric schiffter, pensées d'un philosophe sous prozac, éditions milan, lénine, idiots utiles, adeptes, fidèles, partisans, rendre des services, pouvoirs en place, serviteurs, protecteurs, faveurs et places, positions enviables, commis dévoués, puissants, hautes ou basses besognes, statu quo, hommes de confiance, part du gâteau, parcelle de pouvoir, démocratie, contre-pouvoirs, droits et avantages du pouvoir, influents, situations confortables, critique et contradiction impossibles ou impuissantes, doctrines, certitudes, sûrs d'eux, doutes, bertrand russell | Facebook |