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08/02/2019

Vivre ensemble

Dans nos sociétés de tolérance où paraît-il le respect de la différence progresse, pourquoi a-t-on l'impression qu'il est de plus en plus difficile de vivre ensemble ? Est-ce la concentration et la promiscuité dans les villes, sur les routes... ? Est-ce le développement de l'égocentrisme lié à celui de l'individualisme ? En tout cas, l'autre semble devenir très vite insupportable. L'autre, c'est le conjoint, l'enfant, le parent, le professeur, le voisin, l'automobiliste, le "deux-roues" ou le piéton, le collègue, le subordonné ou le responsable..., tous ceux qui d'une manière ou d'une autre nous contredisent, nous contrarient ou se distinguent.

Notre liberté s'arrête là où commence celle des autres. Et donc la liberté de l'autre nous gêne. Mais plus grave, les condamnations définitives sur les premières impressions, sur l'apparence physique ou vestimentaire, sur les croyances ou les convictions, sur l'origine et même sur l'existence de l'autre notamment quand il est "anormal", se font de plus en plus jour. Refuser la dictature de ses instincts, de ses pulsions, de ses humeurs, de ses préjugés, de ses seuls intérêts, n'est-ce pas pourtant là se libérer et atteindre vraiment la dimension humaine ? Cela passe par l'éducation qui est censée nous apprendre l'observance de règles (lois, codes, règlements...), sans lesquelles toute vie en société est impossible.

Mais le Droit a ses limites. Au delà, la morale et le savoir-vivre sont les seuls moyens de garantir une vie harmonieuse. Si Dieu n'existe pas, tout est permis, suggérait Dostoïevski dans Les Frères Karamazov. Ce qui dans nos sociétés désenchantées pourrait se traduire par : sans transcendance, plus d’interdits. Ou ce qui donne une expression particulièrement symbolique : "Dieu seul me voit". Que mettons-nous au-dessus de nous ? Si ce n'est Dieu, est-ce l'Homme, la Démocratie, la Loi, la Vie... ou nous-mêmes ? Albert Schweitzer estimait que le fondement de ce qu'on appelle la civilisation est le respect de la vie, qu'elle soit végétale, animale ou humaine. Qu'en est-il de notre civilisation ?

Ce siècle de barbarie et de sauvagerie que fut le XXème siècle, a vu en même temps que le progrès technique, triompher la grossièreté, l'ignorance, la rudesse mais aussi la brutalité, la cruauté, la férocité. Il se prolongera si nous ne parvenons pas à considérer l'autre comme un être vivant, unique et sacré, comme notre égal sans être notre pareil, si nous ne trouvons pas le chemin de la bonté, de l'humanité et - pourquoi pas ? - du raffinement.

08/07/2014

Sortir du rang ou rentrer dans le rang

«Ce n'est pas faire preuve de courage que de s'en prendre à des choses séculaires ou désuètes, pas plus que de provoquer sa grand-mère. L'Homme réellement courageux est celui qui brave les tyrannies jeunes comme des matins et les superstitions fraîches comme les premières fleurs» écrivait Gilbert Keith Chesterton, cité par Paul-Marie Coûteaux dans son livre Un petit séjour en France aux éditions Bartillat.

Et ils sont nombreux les "courageux" qui s'attaquent aux traditions, principes, œuvres... des siècles passés, et passés de mode. Tous ces "héros" qui tirent sur les ambulances et enfoncent les portes ouvertes. Tous ces "braves" qui bravent des interdits qui n'en sont plus. Tous ces dispensateurs de formules toutes faites et de paroles creuses pour mieux se couler dans le moule. Tous ces suivistes de l'air du temps.

Surtout ne pas faire de vagues et prendre de risques. Non, aller dans le sens du vent et caresser dans le sens du poil. Frapper seulement ce qui est à terre. Roger Caillois disait : «Ce sont les mêmes âmes qu'on voit ramper devant les forts et humilier les faibles» ; et «(...) se conformer aux opinions, règles et convenances» (Valéry Larbaud), et aux circonstances. Se comporter suivant l'usage "Parce que", "C'est comme ça".

Beaucoup de nos contemporains se soumettent ainsi à la consigne : "II faut être de son époque, vivre avec son époque" ; quitte à avaler des couleuvres, à sombrer dans le ridicule. Cédant aux sirènes de la nouveauté, ils s'échinent à être "in", "dans le coup", se bornent à l'actualité. Et se plient aux diktats des gourous de la modernité : "II faut savoir s'adapter, être souple, capable d'évoluer". Prêts à tout pour être admis.

Jusqu'où ? Jusqu'où les "II faut" nous mèneront-ils avec notre assentiment ou du moins notre absence de désapprobation ? Jusqu'où le "respect étroit de la norme", l'obsession de la normalisation, l'habitude, la règle établie, "ce qui doit être", l'obéissance à l'establishment nous entraîneront-ils ? Jusqu'où irons-nous à coups de "provocations", de ballons d'essai, d'abord rejetés, puis vite tolérés, et finalement acceptés ?

Les «tyrannies» et les «superstitions» dont parle Chesterton, s'étalent peut-être devant notre nez. Ne les voyons-nous pas malgré tout ? Ou n'avons-nous pas le courage plutôt de les dénoncer et de les combattre ? Etant trop faibles ou trop lâches ; ayant trop peur de déplaire aux gens en place occupés à garder leur rang, leurs privilèges ; ayant trop peur de perdre notre propre place "dans le rang", dont nous nous contentons.