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10/12/2013

Stopper les machines

Ne vivons-nous pas tous à des degrés divers, "de façon machinale, par habitude, sans réfléchir" ? Louis Aragon écrivait : «ce qui dans l'homme est machinal Les gestes de tous les jours». Mais au delà de telle attitude ou de tel mouvement, nos actes mêmes ne sont-ils pas exécutés de plus en plus machinalement ? Et nos pensées, paroles et actions ne deviennent-elles pas en partie des réponses réflexes à des stimuli extérieurs ?

D'un côté, il y a ainsi nos existences réglées comme des horloges, comme du papier à musique (faites d'habitudes très régulières), envahies de ce fait par "tout ce qui est courant" et donc, comme nous, très prévisibles ; de l'autre, nos réactions machinales comme commandées par le contexte et produites "sans intervention de la volonté, de l'intelligence, comme par une machine", nous rendant par là similaires à des androïdes.

Le machinisme qui s'est développé au XIXe siècle, a ouvert l'ère des machines qui poursuit son expansion et ne paraît pas devoir un jour s'arrêter, nous astreignant à nous familiariser avec chaque nouvelle machine. Mais en nous y adaptant, n'adopterions-nous pas quelques-unes de leurs caractéristiques ? Par mimétisme ("ressemblance produite par imitation machinale", "reproduction machinale") ou par mise en concurrence.

D'abord, notre rythme de vie rapide et régulier semble se calquer sur le rythme de production des machines. Nous sommes ensuite comme elles, "capables d'effectuer un certain travail ou de remplir une certaine fonction, soit sous la conduite d'un "opérateur", soit d'une manière autonome". Et plus encore, nous sommes parfois "considérés comme ayant pour fonction unique ou essentielle de faire, produire" ; et ajoutons celle d'acquérir.

Notre corps est vu comme une machine nécessitant entretien et réparation. Car il nous arrive aussi de ne pas bien marcher, d'être déréglés, détraqués, en panne. Notre cerveau n'est plus pour certains qu'une machine à calculer, à traiter de l'information. Nos raisonnements sont souvent, tel le langage machine, binaires : simplistes, manichéens. Et il nous est recommandé parfois d'être, à l'image des machines, dénués de sentiments.

Ainsi mus comme par des mécanismes invisibles, rien ne nous arrête et la Machinerie globale ne s'arrête pas de fonctionner. Mais si "la main" sur nous et «Le respect naïf et machinal de l'ordre établi» (Caillois) nous conduisaient à l'échec ? Peut-être serait-il urgent de "reprendre la main" sur les machines, sur notre vie et notre avenir, de cesser d'agir comme des automates, d'arrêter même certaines actions engagées : de faire machine arrière.

07/12/2012

L'humanité à l'état embryonnaire

Rappelons-nous qu'à l'aube du troisième millénaire, dans la mallette de l'apprenti sorcier ("celui qui déchaîne des événements dont il n'est pas capable d'arrêter le cours"), le clonage tenait une place de choix. Non pas qu'il fût vraiment nouveau, mais sa déclinaison humaine et sa reconnaissance technique, mercantile et médiatique lui conféraient dorénavant un statut privilégié.

Pourtant, les applications des recherches en cours étaient loin d'être acquises, et la recherche fondamentale sur les "mécanismes" justement fondamentaux de la reproduction et du développement embryonnaire, n'en était qu'à ses balbutiements. Cela revenait à mettre la charrue avant les bœufs. Et cela avait plus à voir avec la technologie qu'avec la science. Du bricolage !

Cela aurait pu même prêter à rire si l'on n'avait pas parlé de "matériel humain". Cette expression montrait d'ailleurs à quel point l'humain avait été rabaissé au rang d'objet. Et la confirmation par la Cour de cassation de l'arrêt Perruche reconnaissant implicitement un droit de ne pas vivre pour les "anormaux", ne venait que confirmer cette vision purement matérialiste, relativiste voire nihiliste de la vie humaine. Avant que le législateur, la cour administrative d'appel et le Conseil constitutionnel ne reviennent dessus.

Comment en sommes-nous arrivés là : à ce que certaines formes de cette vie humaine soient considérées comme un préjudice pour la société ? Pour comprendre, peut-être faut-il écouter un de nos plus "éminents" spécialistes : «Pourquoi tant d'histoire pour un embryon de quelques jours, alors que le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse est passé de 10 à 12 semaines ?!».

Tout est dit. Si l'avortement est autorisé et gratuit, c'est qu'il n'est pas (plus) condamnable. S'il ne l'est pas, c'est parce que l'embryon et le fœtus (à partir de huit semaines) n'ont pas de statut. Ils n'ont donc aucune valeur, puisqu'aucune existence légale. Pourquoi alors interdire la manipulation de ce "truc", l'expérimentation sur ce "machin" et le clonage de ce "bidule" à des fins thérapeutiques ?!

Et de fait, le Sénat sous l'impulsion du groupe radical de gauche vient d'adopter une proposition de loi visant à mettre en place un régime d'autorisation très large sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Et ce en complète contradiction avec la loi bioéthique du 7 juillet 2011 prévoyant en un tel cas des états généraux ; et alors que les cellules souches "adultes" reprogrammées apparaissent comme la véritable voie d'avenir pour la recherche pharmaceutique.

Abracadabra. Pour certains, plus intéressés peut-être par la maîtrise de la reproduction humaine que par la guérison de maladies, tout le travail notamment juridique a consisté ces dernières années à réfléchir sur un statut de cette "chose", qui préserve le droit à l'avortement, permette toutes les expériences, mais empêche (pour le moment ?) le clonage reproductif. Les Anglais avaient déjà sorti de leur chapeau la notion de pré-embryon (moins de 14 jours), manipulable à merci. Abracadabrant. «Entraver la multiplication des inaptes et améliorer la race», tels étaient les objectifs de l'eugénisme. Nous y sommes !

19/10/2012

Délit de "contrefaçon"

Voilà déjà quelques jours que les premiers catalogues de jouets sont passés de la "hotte" du facteur à nos boîtes aux lettres. Soit deux mois et demi avant les fêtes de fin d'année. C'est ce qu'on peut appeler de l'anticipation. Les grands magasins étalent les derniers jeux et jouets à la mode, et organisent dans une débauche de moyens la grande récréation des enfants gâtés pourris de notre civilisation.

Feuilletons donc un de ces catalogues et commençons par l'espace «Filles». Tout y est pour laver, coucher, faire manger, changer, promener, soigner bébé ; pour cuisiner, nettoyer, repasser ; pour acheter, aménager, décorer ; pour se maquiller, se coiffer, se parer... De quoi faire de nos filles de parfaites mères, maîtresses de maison, voire épouses si affinités ?

Quant à l'espace «Garçons», ils sont tous là : les garages et circuits automobiles, les véhicules de course et de pompier, les engins de chantier et de guerre, les établis et les fermes, les champs de bataille et les soldats, les pirates et les monstres, les robots et les super-héros, les maquettes et les jeux de construction, les bolides radiocommandés et les baby-foot...

Rien de bien surprenant en fait, sauf qu'en quelques pages nous sautent aux yeux les archétypes d'une société encore largement phallocratique. Nous trouvons là en effet tous les partis pris concernant les rôles de chaque sexe, à moins bien sûr de n'y voir que la reproduction de leur nature profonde. "Reproduction" : tel est le mot qui convient d'ailleurs, mais dans le sens d'imitation, de répétition.

Car l'enfant ne fait que reproduire le modèle qui lui est donné et dans son désir de "faire comme", de calquer sa conduite sur celle de papa ou maman, il choisit le jouet ou le jeu à leur image, mais il choisit aussi dans ce qu'on lui propose. Son choix est guidé. Comme si le monde adulte, se reflétant dans ces catalogues, était exemplaire, voué à être singé et à se perpétuer de génération en génération.

A quoi préparons-nous nos enfants et quel monde préparons-nous? Pourrait-on imaginer des jouets et jeux qui préparent les garçons à leurs vies et responsabilités futures de pères, maîtres de maison, voire époux si affinités ? Et entre s'incliner devant "l'inné" et répéter "l'acquis" à l'identique, n'y a-t-il pas place pour élever les enfants et leur esprit, pour la création plutôt que pour la copie ?