21/10/2014
Un temps et une Terre à ménager
L'important, c'est de durer. On l'a trop oublié dans notre civilisation de l'éphémère, du fugitif, du provisoire, du passager, du périssable, du temporaire, du transitoire... "Œuvrer durablement pour l'avenir" ne veut plus rien dire pour des hommes engagés dans la brève échéance. Le "court-termisme" a fait de nous des hommes à courte(s) vue(s). Nos projets, actions... sont souvent "faits sans souci de l'avenir". "Dieu y pourvoira", tu parles !
L’usure (l'intérêt de l'argent, d'un capital prêté et par extension le prêt à intérêt lui-même ; et l'altération, la détérioration par l'usage) fait tourner les boutiques. Durer, "résister au passage du temps, à l'usage, à la destruction", est donc un anachronisme pour l'époque. La consommation, moteur de la croissance, c'est l’"utilisation de biens et de services", l’"action de faire des choses un usage qui les détruit ou les rend ensuite inutilisables".
Cette logique conduit à la destruction de la planète. Les experts du Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme préconisaient fin 2006 «une logique de durabilité. Objectif : concevoir les produits industriels pour qu'ils durent, soient réparés ou recyclés afin de réduire les flux de matières, de déchets et d'énergie ; remplacer la vente d'un produit par sa location». C'est l'exact contre-pied de la consommation.
L'avenir de l'humanité est bouché à quelques décennies. Dix objectifs et cinq propositions composaient donc un Pacte écologique pour un développement durable. Avec en filigrane une réflexion sur la notion de temps, de durée. Au delà de la confusion vitesse et précipitation, si nous avions pris le temps hier (notamment de la réflexion), nous aurions évité d'être pris par le temps aujourd'hui. «Demain, il sera trop tard» avertissait Nicolas Hulot.
Réalisé la même année, le documentaire de Jean-Michel Carré J'ai (très) mal au travail examinait ce rapport au temps, au travail. Une autre urgence y est à l'œuvre : «l'instantanéité». «En cause, le contexte économique, mais aussi la révolution technologique, ordinateurs, internet, téléphones portables, "qui entraînent une tension du temps encore accrue", constate» Nicole Aubert, spécialiste des aspects humains du management.
Une maxime latine met en garde : «Festina lente», hâte-toi lentement. Mais au lieu d’"aller lentement pour arriver plus vite à un travail bien fait", l'homme a salopé le travail en voulant aller trop vite et doit maintenant le reprendre. Un proverbe italien dit : «Chi va piano, va sano», qui va doucement, va sûrement, et «Chi va sano, va lontano», qui va sûrement, va loin. S'il «veut voyager loin», que l'homme «ménage sa monture» (Racine) !
11:37 Publié dans Besoins de l'homme, Economie/travail, Environnement/Agriculture, Le bon temps | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : durer, oeuvrer durablement pour l'avenir, court-termisme, l'usure, l'intérêt de l'argent, capital, prêt, la détérioration par l'usage, consommation, moteur de la croissance, utilisation de biens et services, destruction de la planète, fondation nicolas hulot pour la nature et l'homme, logique de durabilité, réparation, recyclage, location, pacte écologique pour un développement durable, vitesse et précipitation, jean-michel carré, j'ai (très) mal au travail, l'instantanéité, nicole aubert, management, racine | Facebook |
14/10/2014
Plus de science ou plus de raison ?
«L'humanité consomme plus de ressources biologiques, de l'ordre de 25 %, que la planète n'en produit chaque année. Elle pompe donc maintenant dans ses réserves, une situation qui ne pourra pas durer longtemps.» Le journal Le Monde rendait compte par ces quelques lignes du dernier rapport du WWF (Fonds mondial pour la nature) juste avant la crise financière aux États-Unis. A ce rythme-là, deux planètes Terre seraient nécessaires pour assurer la consommation de 2050.
«Déforestation, mauvaise gestion des sols et de l'eau douce, surconsommation, démographie ou pénurie d'énergie» sont d'ailleurs de ces «problèmes qui se sont généralement conjugués pour entraîner la mort de grandes civilisations» écrivait L'Expansion en citant l'ouvrage de Jared Diamond Effondrement aux éditions Gallimard, qui pense qu'avec la mondialisation, "pour la première fois nous courons un risque de déclin mondial".
Le temps est compté juge encore ce biologiste et géographe à l'université de Californie. De plus, la dégradation ou la modification de l'environnement nuisent gravement à notre santé. Notre métabolisme est, quoi qu'on dise, fortement perturbé par des toxiques en libre circulation comme le mercure, le plomb, le cadmium, l'étain, les dioxines, les solvants, les détergents, les pesticides... Et les arguments de lobbys ne sont plus recevables.
Ainsi, rapportait L'Expansion, «Le journaliste scientifique Frédéric Denhez, dans Les Pollutions invisibles (éditions Delachaux et Niestlé), bat en brèche deux dogmes utilisés par ceux, industriels ou politiques, pour qui il reste urgent de ne rien faire : la "valeur seuil", c'est-à-dire la dose au-dessous de laquelle une molécule n'aurait pas d'effet, et le défaut de preuve irréfutable, souvent "interprété comme la preuve de l'absence de risque"».
Jean-Paul Fitoussi dans le quotidien Le Monde, avait-il raison alors d'espérer en «l'augmentation des connaissances» ? «L'accumulation des savoirs et du progrès des techniques» aura-t-elle raison de la «décumulation des stocks de ressources épuisables ou de la dénaturation tout aussi irréversible de certains fonds environnementaux»? «La seule issue au problème de la finitude de notre monde» se trouve-t-elle dans plus de science ?
André Lebeau* répondait dans le magazine Sciences et Avenir que la technique «bute sur les limites de la planète (...). J'aimerais que les hommes acquièrent une conscience claire du fait qu'ils se trouvent face à un problème radicalement nouveau et dramatique (...). Extrapoler, de l'expérience du passé, que la technique va être capable de régler nos problèmes "d'enfermement planétaire" me semble une vision à tout le moins très optimiste».
* André Lebeau était alors géophysicien de formation, professeur honoraire au Conservatoire national des arts et métiers, ancien président du Centre national d’études spatiales (Cnes), ex-directeur général de la Météorologie nationale…
09:59 Publié dans Apocalypse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'humanité, ressources biologiques, la terre, consommation, journal le monde, wwf, déforestation, mauvaise gestion des sols et de l'eau douce, surconsommation, démographie, pénurie d'énergie, civilisations, magazine l'expansion, jared diamond, effondrement, éditions gallimard, mondialisation, déclin mondial, dégradation ou modification de l'environnement, santé, métabolisme perturbé, toxiques, lobbys, frédéric denhez, les pollutions invisibles, éditions delachaux et niestlé, valeur seuil, défaut de preuve irréfutable, jean-paul fitoussi, connaissances, savoirs, progrès des techniques, andré lebeau, magazine sciences et avenir, la technique, limites de la planète, conscience, enfermement planétaire | Facebook |
16/09/2014
Dépasser l'illusion et la déception
Tout est absolument vain, rien n'a de sens. «Vanité des vanités, dit Qohéleth, vanité des vanités, tout est vanité. Quel profit y a-t-il pour l'homme de tout le travail qu'il fait sous le soleil ? Un âge s'en va, un autre vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève et le soleil se couche, il aspire à ce lieu d'où il se lève. Le vent va vers le midi et tourne vers le nord, le vent tourne, tourne et s'en va, et le vent reprend ses tours.
«Tous les torrents vont vers la mer, et la mer n'est pas remplie ; vers le lieu où vont les torrents, là-bas, ils s'en vont de nouveau. Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire, l'œil ne se contente pas de ce qu'il voit, et l'oreille ne se remplit pas de ce qu'elle entend. Ce qui a été, c'est ce qui sera, ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera : rien de nouveau sous le soleil !» Qui ne connaît pas ce texte, du moins son début et sa fin ?!
«Vanité des vanités, tout est vanité» et «Rien de nouveau sous le soleil» sont des expressions encore employées couramment de nos jours et pourtant tirées d'un livre biblique de 2300 à 2500 ans d'âge dont le titre hébreu "Qohéleth" est plus connu sous celui de l'Ecclésiaste. Mais à dire vrai, 2500 ans n'auront pas suffi pour que ces sages paroles soient comprises. L'on continue de faire le contraire de ce qu'elles disent.
Comme, sous de louables prétextes, courir après la gloire, les honneurs (dont ceux de la presse), les richesses..., en un mot la réussite dans le sens de la phrase de Simone de Beauvoir : «Ce qu'ils appellent réussite c'est le bruit qu'on fait et le fric qu'on gagne». «Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés» notait à ce sujet La Rochefoucauld, qui disait aussi que «L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu».
Un jour, rappelle Julien Green dans Le Grand Large du soir chez Flammarion, Jean-Paul II avait eu ces mots en Pologne : «La personne humaine, créée à l'image de Dieu, ne peut devenir l'esclave des choses, des systèmes économiques, de la civilisation technologique, de la consommation, du succès facile. Ne vous laissez pas asservir». Hormis sans doute la phrase : «créée à l'image de Dieu», un altermondialiste ne dirait pas mieux.
Albert Einstein donnait lui aussi sa solution pour ne pas mener une existence vaine et retrouver un tant soit peu de sens : «N’essayez pas de devenir quelqu'un qui a du succès. Essayez de devenir quelqu'un qui a de la valeur». Et Julien Green, à quelques semaines de sa mort, écrivait «(...) n'avoir pas été alourdi à travers les années par des possessions inutiles. Nous quittons la terre chargés seulement de ce que nous avons donné».
10:00 Publié dans Sens de l'existence | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanité des vanités tout est vanité, qohéleth, profit, travail, tous les mots sont usés, rien de nouveau sous le soleil, l'ecclésiaste, courir après la gloire, les honneurs, les richesses, la réussite, simone de beauvoir, bruit, fric, vertus, vices, la rochefoucauld, l'hypocrisie, julien green, le grand large du soir, éditions flammarion, jean-paul 2, personne humaine, dieu, esclave des choses, systèmes économiques, civilisation technologique, consommation, succès facile, asservissement, altermondialiste, albert einstein, existence vaine, retrouver du sens, valeur, possessions inutiles, donner | Facebook |