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13/06/2018

Lumière sur un "théâtre d'ombres"

«Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion». Comme souvent, Paul Valéry frappe juste et fort. Et en une formule, une des caractéristiques essentielles de nos sociétés démocratiques apparaît en filigrane : le contrôle de l'Opinion. Noam Chomsky, éminent linguiste et professeur américain, auteur et philosophe politique radical, y revenait dans son livre Le profit avant l'homme édité chez Fayard.

L'usage de la force n'étant pas concevable, sauf en ultime recours, il est primordial pour les gouvernants des pays les plus avancés de s'assurer le "consentement des gouvernés", ou plutôt comme le précisait Noam Chomsky, leur "consentement sans consentement", par la propagande essentiellement. "L'embrigadement de l'opinion publique" étant réalisé surtout grâce à la puissante industrie des relations publiques.

L'un de ses chefs de file historique, Edward Bernays, écrivait que la "gestion du consentement" est "l'essence même du processus démocratique". Notre "société a consenti à ce que la libre concurrence soit organisée par les dirigeants et la propagande". «La seconde fournit aux premiers un mécanisme "pour modeler l'esprit des masses", si bien que celles-ci "exercent leur force nouvellement acquise dans le sens désiré"

Cette "manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions des masses" va plus loin encore. Noam Chomsky indiquait en effet que «Les dirigeants des milieux d'affaires soulignent depuis longtemps la nécessité d'imposer au grand public une "philosophie de la futilité" et une "vie sans objectif", afin de "concentrer son attention sur des choses superficielles, et notamment sur ce qui est à la mode"».

Soumis à un tel endoctrinement, les citoyens peuvent en venir à ne plus s'occuper de leurs propres affaires et à «accepter une existence soumise et dépourvue de sens», abandonnant «leur destin (...), dans le domaine politique, aux "minorités intelligentes" autoproclamées qui servent et administrent le pouvoir», dans l'ombre. Ces «hommes responsables» sachant à leurs dires mieux que personne ce qui est bon pour le peuple.

Lacordaire écrivait : «Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit». Le néo-libéralisme prône la déréglementation et la dérégulation, et impose ses vues sans consultation ni information des populations. La démocratie prend ainsi de plus en plus l'allure d'un "théâtre d'ombres", un spectacle sans acteurs pouvant tourner aussi bien à la comédie qu'à la tragédie.

16/04/2018

La faute à l'injustice et l'impuissance

Il y a à peu de chose près seize ans, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle firent l'effet d'un coup de tonnerre. Souvenons-nous.

 

Alors que tout démocrate aurait dû s'incliner devant le verdict des urnes tout en recherchant des réponses, pas seulement électoralistes, aux raisons profondes d'un tel vote pour les extrêmes et d'une telle abstention, de partout ne résonnèrent qu'anathèmes et slogans. Plus que les résultats du premier tour, n'était-ce pas les réactions à leur annonce qui soulignaient l'extrême fragilité de notre démocratie ?

Nous avons ainsi pu voir des manifestants, jeunes pour la plupart, croyant défendre la démocratie en danger. Mais aussi des journalistes inquisiteurs affichant ostensiblement leur opinion. Et puis des moralisateurs désignant à la vindicte publique les "responsables". Sans oublier de "courageux" corps intermédiaires volant au secours de la victoire de Jacques Chirac au second tour.

Et que dire de la plupart des politiques qui plutôt que de tirer les enseignements du scrutin, repartirent dans leurs officines pour tenter les mêmes "rafistolages" qui les discréditent un peu plus à chaque élection ?! Résultat, après un premier tour sans réel débat, un second tour court-circuité et de grandes manœuvres pour des Législatives qui virent comme de bien entendu la gauche revenir dans la partie.

Les mots ronflants, les manifestations arrogantes, les simplifications grossières parvinrent-ils pour autant à masquer le vide de ce cinéma démocratique ? Non. Il ne suffisait pas de se donner bonne conscience à peu de frais, il s'agissait de prendre toute la mesure de la révolte exprimée par le vote en faveur des extrêmes (plus d'un tiers des votants), amplifié par l'abstention (près d'un tiers des inscrits).

Déçus, écœurés ou blasés, ces électeurs avaient-ils fini par se détourner d'une classe politique qui s'était détournée d'eux et ne leur reconnaissait plus vraiment la qualité de citoyen ? C'est en effet dans cette reconnaissance que s'affermit la démocratie, qui ne peut être une chasse gardée pour "apparatchiks", initiés ou gens arrivés, qui s'érigèrent  un peu facilement à l'époque en "pères la morale républicaine".

Mais ces électeurs désemparés disaient peut-être autre chose encore, et continuent de le dire aujourd'hui, sans qu'on les écoute davantage. Et si c'était que ce monde qui se construit et "réussit" sans eux, leur paraît étranger et hostile, qu'ils voient leur vie leur échapper, et la situation échapper à ceux censés la maîtriser ? Faisons attention à ces sentiments d'injustice et d'impuissance qui ne cessent de monter. N'y ajoutons pas le mépris.

14/03/2018

Les droits et les devoirs de l'homme

En ces temps troublés, il est bon de relire la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par les Nations Unies le 10 décembre 1948. Il y est affirmé entre autres le droit : à la vie, à la liberté, à la sûreté, à la justice, à la propriété, à la liberté d'opinion et d'expression, à prendre part à la direction des affaires publiques, au travail, à un niveau de vie suffisant, à l'éducation, à la culture...

Il paraît évident que des progrès restent à accomplir, y compris dans les "démocraties". Peut-être ces progrès pourraient-ils venir de l'acceptation par chacun d'entre nous de la Déclaration des devoirs de l'homme qui accompagnait celle des droits de l'homme et du citoyen en préambule de la Constitution de l'an III adoptée par la Convention thermidorienne (août 1795). Il y a plus de 220 ans.

Article premier. - La déclaration des droits contient les obligations des législateurs ; le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs.

Article 2. - Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : «Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir».

Article 3. - Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois et à respecter ceux qui en sont les organes.

Article 4. - Nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux.

Article 5. - Nul n'est homme de bien s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois.

Article 6. - Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre contre la société.

Article 7. - Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous, se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime.

Article 8. - C'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail et tout l'ordre social.

Article 9. - Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre.

 

A lire cette Déclaration aujourd'hui, l'on comprend bien pourquoi l'on n'en parle plus depuis longtemps. Presque chacun des principes énoncés a  été remis en cause au fil du temps, et par les législateurs eux-mêmes. Et l'on en vient à se dire que ce n'est peut-être qu'en se rappelant ces devoirs et en rappelant beaucoup d'entre nous à leurs devoirs que nous pourrons de nouveau faire société.