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12/04/2013

Une dictature économique et technique

«Ce que Bernanos appelait une "escroquerie à l'espérance", la promesse que tout ira mieux demain, spécialité des "fournisseurs d'optimisme", continue, au début du XXIe siècle, à servir d'opium des peuples. Mais (...) l'optimisme technologique se heurte, comme l'optimisme économique, à une incrédulité croissante.» Tel était le constat de Pierre-André Taguieff dans son essai intitulé Du progrès chez Librio.

Poursuivant l'exploration de cette «utopie moderne» : le progrès, il était impossible de ne pas revenir sur cet ouvrage publié en 2001 par ce philosophe et historien des idées, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris. De même qu'il était impossible de ne pas citer encore l'écrivain Georges Bernanos que Pierre-André Taguieff qualifiait d'«excellent témoin» et de «grand esprit libre».

Les mots de Bernanos sont (on l'a déjà dit) comme bien des progrès : ful­gurants. Ainsi Pierre-André Taguieff soulignait que celui-ci notait «qu'avant l'ère des dictatures totalitaires "l'idée de démocratie n'était plus contestée par personne, l'avenir de la démocratie paraissait assuré dans le monde, et [que] l'homme de 1900, par exemple, n'en séparait pas l'idée de celle d'un progrès fatal et indéfini"». On connaît la suite.

Ce qui faisait écrire à Bernanos en 1947 que "Le mot de démocratie a déjà tellement servi qu'il a perdu toute signification, c'est probablement le mot le plus prostitué de toutes les langues". Mais surtout, il ajoutait : "Dans presque tous les pays, la démocratie n'est-elle pas d'abord et avant tout une dictature économique ? C'est là un fait immense, et qui suffit à prouver la dégradation profonde de la société moderne".

La "civilisation technique" (dont les «normes suprêmes sont l'utilité et l'efficacité»), ou "civilisation des machines", n'était en fait pour lui qu'une "contre-civilisation, une civilisation non pas faite pour l'homme, mais qui prétend s'asservir l'homme, faire l'homme pour elle, à son image et à sa ressemblance". "Certes (disait-il), par exemple, il y a une technique d'assistance aux faibles, aux tarés, aux dégénérés de toute espèce...

"... Mais du point de vue de la technique générale leur suppression pure et simple coûterait moins cher. Ils seront donc supprimés tôt ou tard par la technique." L'actualité semble donner raison à Bernanos. Nous prenons le chemin de nouvelles «pratiques eugénistes» et «politiques hygiénistes». Nos «normes utilitaristes et marchandes» amenant à "détruire" ceux "qui risquent de coûter à la Société plus qu'ils ne rapportent".

09/04/2013

Espéranto = "Celui qui espère"

Quelle espérance pour l'Europe ? Ni l'euro, ni l'élargissement, ni même la  "constitution européenne" n'ont été capables de faire émerger une identité européenne. Ce "supplément d'âme" pourrait venir peut-être de grands projets susceptibles d'entraîner l'adhésion des peuples. On évoque ainsi une politique étrangère et de défense commune, une Europe sociale, voire judiciaire... ; mais on ne parle guère d'une langue européenne.

Pourtant elle existe déjà depuis longtemps : l'espéranto. L'association Espéranto-France en appelle d'ailleurs aux dons pour promouvoir cette espérance d'entendre parler la même langue aux quatre coins de l'Union européenne. Et une langue autre que l'anglais dont l'usage se répand dans les instances européennes en dehors de tout débat public, et dont la suprématie entraîne de fait un déséquilibre économique et social.

Selon l'association, «Tous les intellectuels européens doivent apprendre l'anglais s'ils veulent accéder à une certaine reconnaissance de leurs travaux». «Cette étude leur coûte beaucoup de temps et d'argent», tandis que leurs collègues anglo-américains «peuvent se concentrer à 100 % sur leurs travaux». «Nos spécialistes sont même jugés en priorité sur leur connaissance de l'anglais plutôt que sur leur compétence !» dit-elle.

Il existe également une discrimination linguistique à l'embauche, en particulier dans des organisations financées par l'Union européenne (UE). C'est ainsi que certaines offres d'emplois ne s'adressent exclusivement qu'aux «Native English Speakers». Exit les 84 % de citoyens européens n'ayant pas pour langue maternelle l'anglais. L'égalité linguistique est pourtant proclamée par l'UE, mais l'anglais s'impose, sans discussion.

L'espéranto pourrait être la solution. Cette langue créée vers 1887 par un Polonais, le docteur Zamenhof, est «facile et précise». Son orthographe est «phonétique» et sa grammaire «régulière, sans exception». «Toutes ses racines sont naturelles, puisées dans les principales langues européennes.» Ainsi l'apprentissage de l'espéranto serait sept à huit fois plus rapide que l'anglais, et ce dès le plus jeune âge.

En seconde langue, l'espéranto permettrait aux Européens d'échanger autre chose que des euros, et aux pays de l'Union européenne d'économiser 25 milliards d'euros par an selon le rapport Grin. «Mi amas la vivon» : en espéranto, c'est ainsi qu'on dit «J'aime la vie». L'espérance de l'espéranto, c'est que tous les Européens disent d'une même voix et langue : j'aime l'Europe.

08/03/2013

L'espérance fait vivre

Peut-on vivre sans espérance ? Nous avons vu la dernière fois la progression historique de l'espérance de vie (c'est-à-dire la durée moyenne de vie, établie statistiquement sur la base des taux de mortalité). Mais l'année dernière en France métropolitaine, 560 000 décès ont été enregistrés pour un taux brut de mortalité de 8,6 décès pour 1000 habitants qui «ne baisse plus depuis 2004» indique l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), ajoutant que «l'espérance de vie marque le pas».

De son côté, l'Institut national d'études démographiques (Ined) s'interrogeait dans son numéro de décembre 2010 de Population et sociétés, "Espérance de vie : peut-on gagner trois mois par an indéfiniment ?". Quant à Lylian Le Goff, docteur en médecine, membre de la mission "Biotechnologie" de France Nature Environnement, et à Philippe Desbrosses, agriculteur, docteur en sciences de l'environnement, soucieux de la prévention des risques, c'est dès 2002 qu'ils faisaient part de leur inquiétude pour l'avenir.

Dans le livre Combien de catastrophes avant d'agir ? Manifeste pour l'environnement signé de Nicolas Hulot et du Comité de veille écologique, aux éditions du Seuil, ils semblaient même trouver un peu légères les promesses de vieillesses infinies. «L'espérance de vie, écrivaient-ils, est liée à la qualité de vie, qui elle-même résulte de nombreux facteurs, non seulement alimentaires et sanitaires, mais aussi socio-économiques ; ...

«... les effets de ces facteurs se manifestent avec un décalage dans le temps qui est de l'ordre de deux à trois générations (...).» Pour résumer, la longévité des générations présentes résulterait selon eux pour l'essentiel, des conditions de vie passées, et ne présumerait en rien la longévité des générations futures. «Rien n'est jamais acquis à l'homme (...) Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix (…)» dirait Aragon.

De fait, «nous assistons, continuaient-ils, non seulement à l'accroissement des pollutions et à l'altération de la qualité intrinsèque des aliments, mais aussi à une remise en cause globale de la qualité de vie, dont les effets les plus néfastes se manifesteront avec un décalage». Et ils rappelaient que «faute de répondre aux qualités nécessaires à l'entretien de la vie, l'alimentation joue un rôle dans 80 % des maladies (40 % des cancers)».

D'ailleurs, «les cancers sont de plus en plus nombreux, particulièrement chez de jeunes adultes, ce qui est significatif, prétendaient-ils, de l'altération des conditions de vie, notamment par la pollution». D'où la possibilité d'une «cassure de l'espérance de vie» annoncée par certains épidémiologistes, en particulier de l'Office mondial de la santé. Si cela s'avérait exact, quelle espérance resterait-il alors à l'homme, pour vivre ?