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28/10/2014

"Athée fidèle" à la tradition judéo-chrétienne

Devant la montée conjuguée du nihilisme et de l'intégrisme, il y a peut-être à opposer une attitude qu'on pourrait qualifier "du juste milieu". «Il importe de sauver l'héritage spirituel» pensait Saint-Exupéry. Le philosophe André Comte-Sponville et l'écrivain Éric-Emmanuel Schmitt dans un dialogue au Figaro Madame n'étaient pas loin d'en être d'accord. Eux qui se reconnaissaient «tous deux frères en ignorance», selon la formule de Schmitt.

D'un côté l'écrivain, «agnostique... chrétien, (...) qui à la question "Est-ce que Dieu existe ?" répond : "Je ne sais pas, mais... je crois"». De l'autre le philosophe, «athée non dogmatique», qui rétorque qu'«alors "agnostique" est un synonyme pour "intelligent"». Car «Quelqu'un qui dit "Je sais que Dieu n'existe pas" ou "Je sais que Dieu existe" est d'abord un imbécile». Moi, «(...) Je ne sais pas si Dieu existe, mais je crois qu'il n'existe pas».

Toutefois le philosophe admet que «La vie spirituelle est (...) plus vaste que la vie de la raison, parce qu'elle implique la vie contemplative et la vie affective, qui ne sont pas solubles dans la raison». La raison ne suffit pas. Il y a de l'insaisissable, de l'intuition, de l'inspiration... Et parfois l'illumination, qui n'est peut-être qu'un état cérébral ; mais qui sait ? Le mystère reste entier, et l'athée seul avec lui-même et avec la mort, dit Comte-Sponville.

«Pour reprendre les interrogations de Kant - que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? -, je dirais que croire ou non en Dieu ne change rien à la question de la connaissance et de la morale. Mais un athée lucide et cohérent ne peut pas échapper à une part de désespoir, parce que l'amour est tragiquement faible et que toutes nos espérances viennent buter sur "le fond très obscur de la mort" [André Gide].»

Il n'empêche que pour lui, «() l'amour est la seule chose qui compte. (...) Or, le message des Évangiles est celui d'une libération vers une vie plus humaine, parce que plus aimante. Et au fond, peu importe de savoir si le Christ est Dieu ou pas. Que Jésus soit ou non ressuscité le troisième jour ne change rien d'essentiel à la vérité de son message. C'est ce que j'appelle la vérité du calvaire : l'amour compte davantage que la victoire sur la mort».

Et cet «athée fidèle» soutient que «parler avec mépris du christianisme, ce serait tenir pour rien Pascal, Descartes, Kant, et c'est impossible ! N'oublions pas que Spinoza disait de Jésus qu'il était le plus grand des philosophes». Mais ajoute-t-il, «Bizarrement, dans notre pays de vieille culture chrétienne, toutes les positions sont autorisées, sauf celles qui assument la fidélité à cet héritage. Ce paradoxe en dit long sur l'état de la France intellectuelle…».

30/09/2014

Croire sans preuves, est-ce bien raisonnable ?

Croire au père Noël, c'est-à-dire "être très naïf, se faire des illusions", semble très répandu chez les adultes. Il faut dire que les "pères Noël" ne manquent pas, toutes ces figures paternelles ou ces fictions sécurisantes. Ces "pères Noël" de substitution pour grands enfants prolongent ainsi la naïveté infantile, celle des petits enfants encouragée par parents et vendeurs de cadeaux qui leur font attendre le père Noël comme le messie.

Montaigne avait gravé sur une poutre de sa librairie cette sentence : «Le genre humain est par trop avide de fables». Aujourd'hui, alors que l'interrogation de Montaigne «Que sais-je ?» ne semble plus tourmentée quiconque, tant des fanatismes de toutes sortes se développent un peu partout, les fables font plus que jamais courir les foules ; des leurres, des lièvres poursuivis avec obstination. "L'obstination est la plus sûre preuve de bêtise".

«La seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien» aurait dit Socrate. Que savons-nous vraiment, avec certitude ? Et combien parlent sans savoir ! «L'appétit de savoir naît du doute» écrivait Gide. Combien ne doutent de rien ! Croire au père Noël, c'est ne pas douter et ne pas avoir envie de savoir, c'est croire tout savoir et "ne vouloir rien savoir", "refuser de tenir compte des objections, des observations…".

«Impossible de s'accrocher à rien ; tout a chaviré.» Nous pourrions reprendre mot pour mot cette phrase de Martin du Gard. Restent les illusions, à tout prendre, semble-t-il pour beaucoup, préférables à la réalité. Mais les illusions peuvent conduire au pire. Une "opinion fausse" ou une "croyance erronée" peut être dangereuse et malfaisante. Et est-ce mieux si elle «me console, me tranquillise, et m'aide à me résigner» (Rousseau) ?

Les contes pour enfants sont remplacés par d'autres contes une fois ceux-ci devenus grands. La "confiance", la "simplicité" "par ignorance, par inexpérience" sont remplacées par la "crédulité", la "confiance irraisonnée". Faciles à tromper, ils forment le «grand troupeau des hommes» que les joueurs de flûte ensorcellent avec leur petite musique qui leur promet monts et merveilles, et qu'ils suivent les yeux fermés, fascinés et confiants.

Mais rien n'est vrai. Et la musique envoûtante finit par sonner faux. Le charme est rompu, le réveil brutal. Quand ce n'est pas la mort qui met fin aux rêveries. Et peut-être est-ce mieux ainsi. Mais pour ceux qui ne veulent pas s'en laisser conter, seule la preuve doit compter. Ne rien accepter et affirmer sans preuves. Demander à ceux qui "demandent la confiance", de "produire des arguments, des raisons". Et mourir, mais "les yeux ouverts".

22/04/2014

L'homme : un grand gosse qui n'a rien d'un enfant

«L'enfance est terriblement sérieuse, ne l'oubliez pas. Un enfant engage tout son être. Et nous, hommes graves et mûrs ? A quoi sommes-nous prêts à engager tout notre être ? Nous tenons trop à notre chère carcasse.» Vercors pointait ainsi un de nos travers dans une société où une fois installé, il y a plus à perdre qu'à gagner. "Parvenu à une situation qui assure l'aisance et le confort", qui serait prêt à tout remettre en jeu ?

Serions-nous devenus une société de parvenus, de nouveaux riches et de "gosses de riches", de "fils et filles à papa" sans goût, qui étalent leurs richesses avec ostentation à la face du quart-monde et du tiers-monde, et tirent avantage de leur position sans penser à après eux ? Et nous serions-nous embourgeoisés, roulant les mécaniques mais en fait ronronnant roulés sur nous-mêmes et n'ayant plus grand-chose dans le ventre ?

Et peut-on encore parler de civilisation si plus rien n'est construit pour durer, si l'on se moque de tout ce qui pourrait advenir après notre mort ? Tout serait-il dorénavant voué au temps, à l'usage, à la destruction, y compris les œuvres de l'homme ? Tout deviendrait-il produit de consommation ? Et les hommes actuels seraient-ils en réalité des petits capricieux, réclamant à cor et à cri de nouveaux "jouets" pour les casser aussitôt ?

Oui, «Beaucoup d'hommes n'engagent jamais leur être» écrivait aussi Georges Bernanos, c'est-à-dire refusent de se "mettre dans une situation qui crée des responsabilités et implique certains choix". Menant une vie sans engagement, ils ne savent pas ce qu'ils veulent et changent d'opinion à tout moment. Caractères sans consistance, ils ambitionnent de faire de grandes choses mais ne s'en donnent pas les moyens.

De tels individus "sans fermeté, irrésolus", irréfléchis et changeants, incapables de faire des choix et de s'y tenir, de prendre leurs responsabilités, de s'exposer, de s'assumer et d'assumer, doivent toutefois donner le change à ceux qui les entourent. Ils se composent un personnage dont les attitudes et les expressions masquent leurs abdications. Et ils font du sentiment là où seules la raison et l'action devraient avoir leur place.

Ces "gamins" impulsifs agissent "selon leur fantaisie", "par humeur et non par raison, par volonté". Coups de tête, foucades, tocades sont leur quotidien. Pleins de bonnes résolutions sans lendemain, de promesses en l'air, d'engagements non respectés, d'obligations non remplies. Trop gâtés et "sur la défensive", ils ne se donnent pas entièrement, mesurent leur peine, leurs efforts, ils comptent quand un enfant lui ne compte pas.