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08/04/2014

Mort d'un soldat de l'humanité (9ème anniversaire)

Il y a neuf ans "le vieux lion" mourait un samedi soir à la suite d'un long calvaire, quelques jours après la fête de Pâques qui, chez les chrétiens, célèbre la mort et la résurrection il y a 2000 ans d'un homme nommé Jésus. Jean-Paul II avait rejoint l'éternité. Vie ou mort éternelle ? En tout cas sa pensée n'est pas morte avec lui. Elle continue de vivre au travers de ses écrits notamment, et participe à ce que Chateaubriand a appelé Le Génie du christianisme.

Il ne s'agit pas ici comme à chaque fois qu'on se remémore ou que l'on commémore le décès d'une personnalité importante, d'entonner une louange disproportionnée, mais de rappeler combien il a pu déranger de son vivant, jusqu'à des "catholiques" (à l'instar du pape François actuellement), et combien il s'était fait des adversaires résolus - voire des ennemis - déclarés ou non, et pas seulement dans les dictatures mais aussi dans des régimes qui s'attribuent un peu exagérément le nom de démocratie.

Le successeur de saint Pierre avait une telle stature qu'à côté "les grands de ce monde" paraissaient presque petits, et le monde est aujourd'hui encore orphelin d'un père protecteur qui châtiait bien parce qu'il aimait bien. Il aimait l'homme et aurait pu reprendre la phrase de Térence : «Je suis homme, et rien de ce qui touche un homme ne m'est étranger». C'est pourquoi il combattait tout ce qui attentait à la nature et à la dignité humaines.

Il s'était mis à dos les adeptes du laisser-faire en matière morale et en matière économique - unis dans une étrange complicité -, tous ceux qui ne trouvent bien que ce qui les arrange et sont peu inquiets du sort des victimes innocentes. Il opposait à la loi des fauves qui s'en prennent d'abord aux proies faciles, une défense sans merci des faibles et des opprimés, relevant les "vaincus" et rappelant aux "vainqueurs" leurs devoirs.

Ce bon berger a tenté de guider son peuple sur «La voie étroite de l'Évangile» (Bourdaloue). Mais sa «nouvelle évangélisation» a échoué en Europe. Pourtant, même incompris ou rejeté, et tout en ne sacrifiant jamais le fond à la forme, il a soulevé l'admiration. Peut-être parce qu'il savait dire non, car celui qui citait saint Paul : «Ne vous modelez pas sur le monde présent» et s'exclamait : «N'ayez pas peur !», était avant tout un grand résistant.

Il a, suivant en cela la recommandation du même Paul à Timothée, proclamé la parole, insisté à temps et à contretemps, réfuté, menacé, exhorté, avec une patience inlassable et le souci d'instruire... Et l'on pourrait conclure avec les mots du pape Paul VI qui se rapportaient au Christ : «(...) Venu non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17), il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes».

18/03/2014

Oui à la vie, non à ce genre de vie

Le printemps est comme un oui à la vie, un oui de la vie. Quand la nature s'éveille de son long engourdissement hivernal, c'est comme si à chaque fois la vie affirmait sa suprématie sur la mort. Xavier Bichat disait que «La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort». Le printemps est la saison de la renaissance, de la nouvelle vie qui éclôt, de l'espérance retrouvée. «Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir».

Mais curieusement l'espérance vient à manquer en ce printemps. Nous semblons loin de vivre un "printemps" : une "Période pendant laquelle des espoirs de progrès (économique, social) semblent sur le point de se réaliser". Peut-être parce que nous nous trouvons en France et au sein de l'Union européenne dans une situation analogue à celle décrite par cette formule d'André Gide : «Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue».

Le Français serait-il devenu «Un vivant dégoûté de vivre» comme l'écrivait Alfred de Musset ? Et pourrait-il faire sienne cette phrase de Gide : «Je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre»? Car, paradoxe, malgré une vie bien souvent qui "n'est plus une vie", malgré le fait de "Ne plus vivre" (d'être dans l'anxiété), l'ultime espérance de l'homme semble-t-il, est de "Vivre longtemps". Vivre pour vivre.

La vie moderne, quotidienne, accable l'individu qui désespère de ne pouvoir "Vivre sa vie". A "Travailler pour vivre", parce qu’"Il faut bien vivre", à «Perdre sa vie à la gagner», il en vient à "Se laisser vivre". Beaucoup ne parviennent même plus à "vivre de leur travail", "n'ont plus de quoi vivre" (sans parler des "sans-emploi"). Et chacun craint d'avoir à dire comme l'actrice américaine Louise Brooks au terme de son existence : «Nous sommes tous égarés. Ma vie ne fut rien».

Alors pour fuir la réalité, on peut "Vivre pour soi", "Vivre au jour le jour", "Faire la vie", "Mener une double vie", "Refaire sa vie", "Exposer sa vie"..., voire "Attenter à sa vie". Tout est bon. On s'échappe en vacances dans des lieux «où l'on aimerait à vivre» (La Bruyère). On vit caché pour vivre heureux. On rêve de "Changer de vie", de "Vivre libre, en paix" et peut-être de «Naître, vivre et mourir dans la même maison» (Sainte-Beuve).

«Les Français ne croient plus en rien» notaient les préfets en 2005. Sans doute les a-t-on trop fait "Vivre d'espérance". Et peut-être s'aperçoivent-ils qu'ils n'ont pas "choisi leur vie" et que «(...) le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre» (Hugo), sans jouir de la vie. Alors la tentation est grande d'user du peu de liberté qu'il leur reste, celle de pouvoir dire non. Non à cette vie dont ils ne veulent pas ou plus, en ce printemps qui dit oui à la vie.

28/06/2013

Quand le rideau tombe

Le 1er juillet 2004 mourait "le plus grand acteur du monde"...

 

Finalement, ne faut-il pas voir dans l'apparente déchéance de Marlon Brando jusqu'à sa mort, une rédemption ? Peut-être avait-il tout simplement renoncé aux apparences trompeuses du cinéma, et sacrifié les apparences ? Un acteur, pour peu qu'il ne se fasse pas tout un cinéma, sait bien que "Tout ce qui brille n'est pas or" et que "L'habit ne fait pas le moine". Derrière le grand écran, le roi est nu et le génie est fou.

La puérilité, la vanité, la vacuité de son activité, de sa vie professionnelle lui étaient sans doute apparues, et sa lucidité ne l'avait ensuite peut-être plus jamais quitté. Ses apparitions "alimentaires" n'ajoutaient rien à sa renommée acquise. Il avait cessé de "jouer", de "se raconter des histoires", de "faire comme si...", de "faire l'enfant". Finies la comédie et "la comédie humaine" ! Fini de faire miroiter le miroir aux alouettes !

Lassé d'interpréter des rôles, de tenir son rôle, conscient peut-être de la réputation usurpée de son propre personnage, il vivait dit-on reclus dans une villa et en manque de revenus. Frisait-il la folie comme d'aucuns le laissaient entendre ? Ou bien avait-il enfin trouvé le repos après bien des folies ? Pascal pensait que «(...) tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre».

Avait-il alors - libéré du poids de l'avenir - touché au bonheur ? Avait-il atteint par ce détachement choisi, une sorte de sérénité malgré les drames vécus : le meurtre par son fils Christian du compagnon de sa fille Cheyenne alors enceinte, puis le suicide de celle-ci ? Ou la douleur ineffaçable le faisait-elle errer comme une âme en peine, seul et tristement, dans les vestiges des jours, hanté par les fantômes du passé ?

Il devait en tout cas avoir "touché le fond", sans doute pas le fond de la misère, mais certainement le fond du désespoir. Car comme un revenant, revenu de loin et revenu de tout, il paraissait vivre "la mort dans l'âme" et promenait ce regard pénétrant et désabusé sur le monde et sur lui-même, s'acharnant semble-t-il à détruire le mythe dont il était l'objet. Rejetant cette image simplifiée et illusoire ; et tout ce cinéma !

Tirer sa révérence : seul moyen pour l'homme de ne plus être un maillon d'une chaîne, un élément d'un ensemble qui lui échappe et dont il ne peut s'échapper ; sauf par la mort. La mort de Marlon Brando n'aura été en définitive qu'une ultime révérence, lui qui s'était retiré de la vie il y a bien longtemps. Que restera-t-il de lui ? Quelques images. Mais ci-gît personne. L'acteur s'est fait incinérer. Tout n'est que cendre. The end.