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12/11/2013

Une vie sous influence

II faut lire le Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens aux Presses universitaires de Grenoble, de deux chercheurs en psychologie sociale et professeurs des universités, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois. Pour une et une seule raison : éviter d'être manipulés en prenant connaissance du «principe de ces stratégies» manipulatrices mises en œuvre pour nous faire penser et agir dans le sens souhaité.

Premier conseil : il convient «(...) d'apprendre à revenir sur une décision. C'est plus difficile qu'on ne l'imagine, reconnaissent ces auteurs, les normes et les idéologies ambiantes nous incitant plutôt à être consistants, fiables, fidèles». Mais quand la situation évolue, "rester sur sa décision" est le meilleur moyen de se laisser piéger. S'en tenir à "l'état de choses" et à son choix initial, c'est s'exposer à être lié définitivement.

Deuxième conseil qui découle du premier : «(...) il faut savoir considérer deux décisions successives comme indépendantes». En cas de nouvelle décision à prendre, envisager toutes les possibilités permet de réévaluer la pertinence de chacune en fonction des circonstances. En clair, il ne doit pas y avoir de précédent qui engage. Tout cas est unique. Il faut rester libre de ses décisions à chaque fois et ne pas vouloir être invariable.

Toutefois, troisième conseil : «Ne surestimez pas votre liberté (...). Les manipulations (...) ne sont efficaces que lorsqu'elles sont pratiquées dans un contexte de liberté». C'est le «sentiment de liberté» qui persuade l'individu qu'il "mène la barque" alors qu'il est "mené par le bout du nez", qu'il influe sur sa vie alors qu'il est à la merci des influences. Napoléon disait : «La bonne politique est de faire croire aux peuples qu'ils sont libres».

Et puis ajoutent ces chercheurs : «Quelle signification peut avoir un tel sentiment de liberté lorsqu'il s'agit (...) de faire un choix que tout le monde fait (...) ?». «Pressions», «normes de comportement», «injonctions implicites ou explicites» sont en fait à l'origine d'un état de «soumission librement consentie». D'où leur recommandation de ne parler de liberté que lors de la prise de grandes décisions pouvant modifier l'orientation de sa vie.

En fait, ils constatent par nombre de travaux que l'individu convenable, conformiste (tout en s'en défendant), pénétré de son libre arbitre, se voulant cohérent, certain d'être le seul auteur de son destin, «est incontestablement le plus manipulable». Avant de conclure : «Que ce soit, aussi, cet individu-là qui ait le plus de chance de réussir dans la vie professionnelle et sociale dans nos sociétés démocratiques a de quoi faire réfléchir».

09/11/2012

Ordre ou désordre, moral ou amoral ?

On a peine à croire qu'en 2002 à la même époque l'on était, à entendre certains dans les médias, en train de vivre un «retour à l’ordre moral». Mais au fait, qu'est-ce que «l’ordre moral» ? Voilà en effet une formule qui fait trembler sans réelle raison. Mêlant leurs propres fantasmes à des idéologies à peine voilées, des libertaires y allaient de leur refrain, sûrs qu'il serait repris par les "bien-pensants", toujours prompts à hurler avec les loups contre toute mesure «liberticide».

L'expression «Ordre moral» date en fait de son instauration en 1873 au début de la Troisième République, par le maréchal de Mac-Mahon et le duc de Broglie. Cette politique «conservatrice, antirépublicaine et cléricale» se caractérisait par «l'épuration de l'administration et le renvoi de maires républicains». Sans oublier les pèlerinages officiels des députés conservateurs (cf. Histoire de France, au Seuil).

Pierre Miquel dans son Histoire de la France, de Vercingétorix à Charles de Gaulle chez Marabout, précise qu'«Il s'agissait de rétablir Dieu dans l'Etat, dans la cité, dans la famille (...). Les enterrements civils étaient interdits de jour. Les débits de boisson, ces antres du radicalisme rural, étaient soumis à une stricte surveillance. Les journaux républicains (...) étaient interdits à la criée».

«Les assomptionnistes et les autres ordres religieux (...) multipliaient les processions, plantaient solennellement des croix dans les villages (...).» Etc. Finalement, la restauration échouera, la République triomphera et le socialisme progressera avec les suites que l'on sait. Reconnaissons que l'on est loin de la situation de 1873 et qu'aujourd'hui, l'on en serait plutôt à déboulonner les croix.

Le «retour à l’ordre moral» n'est donc pas pour demain. L'on vit au contraire une époque d'inversion des valeurs, où ce qui était beau, bien, vrai... ne l'est plus pour une part. Les "bons principes" et Dieu n'y ont plus leur place. La morale et l'ordre y sont relatifs, la permissivité quasi absolue. La société de consommation approuvant cette amoralité bien arrangeante puisqu'autorisant tous les commerces.

La conclusion (ironique) revient au magazine Marianne. «Ordre moral : système oppressif qui caractérise une société où les films porno sont diffusés à la télévision, où les sex-shops sont plus nombreux que les librairies, où les récits d'orgasmes se transforment mécaniquement en succès littéraire, où les amours dans une piscine sont programmées en prime time et où Bouvard anime "Les grosses têtes".»