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22/09/2022

Le meilleur des mondes

 A l'ère du matérialisme triomphant, il n'est pas étonnant que l’instrumentalisation de l'être humain progresse chaque jour. "Le plus vieux métier du monde", l'esclavage, l'embrigadement militaire notamment, témoignent que cette instrumentalisation ne date pas d'hier. "L'ultralibéralisme" tant économique que moral, la conception pour le moins étonnante du "don" d'organes (en fait presque arraché), les déclarations d'experts en robotique ou cybernétique assimilant l'organisme humain à une machine, démontrent que l'Homme-objet a de l'avenir.

Mais il faut se souvenir qu'en 2000 le gouvernement britannique avait brûlé les étapes en autorisant le clonage d'embryons humains à des fins thérapeutiques. La fin justifiant les moyens en quelque sorte. Les réactions ne s'étaient pas fait attendre. De partout des voix scientifiques et politiques s'étaient élevées pour dénoncer le franchissement d'une limite inacceptable, résultant d'une conception utilitariste de l'embryon visant à faire de celui-ci un matériel de recherche. Comme si nous en étions arrivés là sans avoir dépassé une à une les bornes qui jalonnaient la conduite humaine depuis des siècles.

Tout a commencé quand la définition de la vie humaine a basculé et que la mort cérébrale a prévalu sur la mort biologique, c'est-à-dire l'arrêt du fonctionnement du cerveau sur l'arrêt de toutes les fonctions vitales. «"Être mort" était devenu "n'avoir plus sa conscience"», expliquait le professeur Léon Schwarzenberg lors d'une conférence, «Voilà pourquoi, concluait-il, on dit dans le langage courant d'une personne dans un coma que "c'est une plante"» ; mais faisait-il remarquer : «une plante, ça vit».

Le sort en était jeté pour l'embryon ou le fœtus pas encore conscients. Non (ou plus) désirés, leur vie perdait toute valeur. Parallèlement, les techniques de fécondation in vitro et transfert d'embryon, la Fivete, exposaient à toutes les manipulations l'embryon ainsi que les embryons surnuméraires. Ces derniers, inutilisés, sont congelés en attendant une autre implantation ou leur destruction. Il n'aura pas fallu longtemps pour que soient envisagées les recherches sur ceux-ci, à condition qu'ils fassent l'objet d'un abandon de projet parental de la part de leurs géniteurs (sic).

Ceux qui paraissaient scandalisés hier auraient dû s'interroger : le fait de manipuler ou de détruire un embryon, n'était-ce pas déjà le traiter comme un matériel ? Nos fausses vierges effarouchées soudainement dépassées et qui poussaient des cris d'orfraie, n'étaient-elles pas en fait ces mêmes sirènes qui nous avaient vanté et préparé au fil des années «le meilleur des mondes» ?

 

 

12/11/2013

Une vie sous influence

II faut lire le Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens aux Presses universitaires de Grenoble, de deux chercheurs en psychologie sociale et professeurs des universités, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois. Pour une et une seule raison : éviter d'être manipulés en prenant connaissance du «principe de ces stratégies» manipulatrices mises en œuvre pour nous faire penser et agir dans le sens souhaité.

Premier conseil : il convient «(...) d'apprendre à revenir sur une décision. C'est plus difficile qu'on ne l'imagine, reconnaissent ces auteurs, les normes et les idéologies ambiantes nous incitant plutôt à être consistants, fiables, fidèles». Mais quand la situation évolue, "rester sur sa décision" est le meilleur moyen de se laisser piéger. S'en tenir à "l'état de choses" et à son choix initial, c'est s'exposer à être lié définitivement.

Deuxième conseil qui découle du premier : «(...) il faut savoir considérer deux décisions successives comme indépendantes». En cas de nouvelle décision à prendre, envisager toutes les possibilités permet de réévaluer la pertinence de chacune en fonction des circonstances. En clair, il ne doit pas y avoir de précédent qui engage. Tout cas est unique. Il faut rester libre de ses décisions à chaque fois et ne pas vouloir être invariable.

Toutefois, troisième conseil : «Ne surestimez pas votre liberté (...). Les manipulations (...) ne sont efficaces que lorsqu'elles sont pratiquées dans un contexte de liberté». C'est le «sentiment de liberté» qui persuade l'individu qu'il "mène la barque" alors qu'il est "mené par le bout du nez", qu'il influe sur sa vie alors qu'il est à la merci des influences. Napoléon disait : «La bonne politique est de faire croire aux peuples qu'ils sont libres».

Et puis ajoutent ces chercheurs : «Quelle signification peut avoir un tel sentiment de liberté lorsqu'il s'agit (...) de faire un choix que tout le monde fait (...) ?». «Pressions», «normes de comportement», «injonctions implicites ou explicites» sont en fait à l'origine d'un état de «soumission librement consentie». D'où leur recommandation de ne parler de liberté que lors de la prise de grandes décisions pouvant modifier l'orientation de sa vie.

En fait, ils constatent par nombre de travaux que l'individu convenable, conformiste (tout en s'en défendant), pénétré de son libre arbitre, se voulant cohérent, certain d'être le seul auteur de son destin, «est incontestablement le plus manipulable». Avant de conclure : «Que ce soit, aussi, cet individu-là qui ait le plus de chance de réussir dans la vie professionnelle et sociale dans nos sociétés démocratiques a de quoi faire réfléchir».