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28/06/2013

Quand le rideau tombe

Le 1er juillet 2004 mourait "le plus grand acteur du monde"...

 

Finalement, ne faut-il pas voir dans l'apparente déchéance de Marlon Brando jusqu'à sa mort, une rédemption ? Peut-être avait-il tout simplement renoncé aux apparences trompeuses du cinéma, et sacrifié les apparences ? Un acteur, pour peu qu'il ne se fasse pas tout un cinéma, sait bien que "Tout ce qui brille n'est pas or" et que "L'habit ne fait pas le moine". Derrière le grand écran, le roi est nu et le génie est fou.

La puérilité, la vanité, la vacuité de son activité, de sa vie professionnelle lui étaient sans doute apparues, et sa lucidité ne l'avait ensuite peut-être plus jamais quitté. Ses apparitions "alimentaires" n'ajoutaient rien à sa renommée acquise. Il avait cessé de "jouer", de "se raconter des histoires", de "faire comme si...", de "faire l'enfant". Finies la comédie et "la comédie humaine" ! Fini de faire miroiter le miroir aux alouettes !

Lassé d'interpréter des rôles, de tenir son rôle, conscient peut-être de la réputation usurpée de son propre personnage, il vivait dit-on reclus dans une villa et en manque de revenus. Frisait-il la folie comme d'aucuns le laissaient entendre ? Ou bien avait-il enfin trouvé le repos après bien des folies ? Pascal pensait que «(...) tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre».

Avait-il alors - libéré du poids de l'avenir - touché au bonheur ? Avait-il atteint par ce détachement choisi, une sorte de sérénité malgré les drames vécus : le meurtre par son fils Christian du compagnon de sa fille Cheyenne alors enceinte, puis le suicide de celle-ci ? Ou la douleur ineffaçable le faisait-elle errer comme une âme en peine, seul et tristement, dans les vestiges des jours, hanté par les fantômes du passé ?

Il devait en tout cas avoir "touché le fond", sans doute pas le fond de la misère, mais certainement le fond du désespoir. Car comme un revenant, revenu de loin et revenu de tout, il paraissait vivre "la mort dans l'âme" et promenait ce regard pénétrant et désabusé sur le monde et sur lui-même, s'acharnant semble-t-il à détruire le mythe dont il était l'objet. Rejetant cette image simplifiée et illusoire ; et tout ce cinéma !

Tirer sa révérence : seul moyen pour l'homme de ne plus être un maillon d'une chaîne, un élément d'un ensemble qui lui échappe et dont il ne peut s'échapper ; sauf par la mort. La mort de Marlon Brando n'aura été en définitive qu'une ultime révérence, lui qui s'était retiré de la vie il y a bien longtemps. Que restera-t-il de lui ? Quelques images. Mais ci-gît personne. L'acteur s'est fait incinérer. Tout n'est que cendre. The end.

21/06/2013

Un amour plus fort que tout

D'abord un constat : le nombre d'unions (mariages et pactes civils de solidarité) ne cesse d'augmenter. Et puis une question : mais au fait, pourquoi s'unit-on ? La réponse semble évidente : parce qu'on s'aime. Oui, mais qu'est-ce que l'amour ? Et là, la réponse paraît moins simple. Difficile de mettre des mots sur un sentiment, une sensation. Ces mots, des auteurs les ont exprimés pourtant, mais qui s'en souvient encore ?

Car tout a été dit depuis belle lurette. Dans le monde gréco-romain ou judéo-chrétien, les sages n'ont pas manqué il y a des milliers d'années pour transmettre aux hommes le fruit de leurs réflexions. Et ce fruit avec le temps a gardé mystérieusement tout son jus, toute sa saveur. Si «C'est au fruit qu'on connaît l'arbre», c'est-à-dire si c'est à l'œuvre qu'on peut juger l'auteur, alors certains auteurs méritent le panthéon.

Et parmi ces grands hommes dont il nous faut conserver la mémoire, un juif, un citoyen romain de culture grecque, un chrétien a marqué de son empreinte notre civilisation. Il s'appelle Saul, de Tarse, et l'Eglise en a fait un saint. Sur l'amour, saint Paul a ainsi écrit un texte définitif qui a près de deux mille ans. L'historien Alain Decaux dans L'avorton de Dieu, Une vie de saint Paul*, le cite et le place au centre du message chrétien.

«J'aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, s'il me manque l'amour, je ne suis qu'un cuivre qui résonne, une cymbale qui retentit. J'aurais beau être prophète, avoir la science de tous les mystères et de toute la connaissance (...), s'il me manque l'amour, je ne suis rien. J'aurais beau distribuer tous mes biens aux affamés, j'aurais beau me faire brûler vif, s'il me manque l'amour, cela ne me sert à rien.

«L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l'injustice, de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai. Il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il, endure tout. L'amour ne passera jamais.»

Cet extrait de la première Épître aux Corinthiens est lu régulièrement lors des mariages religieux. Mais qui l'écoute encore dans ce monde "à l'opposé", où l'amour et l'humanité semblent comme "éteints" ? Pourtant le secret de la vie à deux et ensemble y réside. Et il suffirait que l'homme "trouve son chemin de Damas" comme saint Paul, se convertisse à cet amour vrai, plus fort que tout, pour revivre et changer la face du monde.

* Éditions France Loisirs

18/06/2013

Les cadres sortent du cadre

Vivons-nous une sorte de révolution depuis le milieu des années 90 ? Des signes ne trompent pas en effet. L'encadrement français prend de plus en plus ses distances d'avec certaines lignes directrices de notre modèle économique, et d'avec ses propres Directions générales. Et ceci s'explique sans doute en grande partie par la pression subie au sein des entreprises, en particulier dans les secteurs concurrentiels mais pas seulement. Le stress mine les cadres.

En fait tout est connu grâce à deux études réalisées en 2004 par Opinionway pour la CFE-CGC qui montraient l'ampleur du problème. Près de la moitié des cadres (49 %) jugaient insuffisant le temps dont ils disposaient pour accomplir leur travail et 81 % avaient le sentiment que leur charge de travail allait en augmentant. Rien de surprenant donc que 79 % ressentaient une accélération du rythme de travail. Leurs objectifs leur paraissant irréalistes pour 41 %.

Sur la stratégie de leur entreprise, 46 % se disaient d'ailleurs mal informés et 36 % n'y adhéraient pas. Pour ce qui était de leurs efforts, les cadres étaient 49 % à trouver qu'ils n'étaient pas reconnus, et 74 % qu'ils n'étaient pas récompensés, à leur juste valeur. Quant à leurs perspectives de carrière et d'avancement, elles leur semblaient mauvaises pour 56 %. Ceci s'ajoutant à des facteurs de stress sans cesse croissants.

Discriminations, critiques, remontrances, harcèlement moral, exposition à des risques de perte financière, concurrence avec les collègues, agressivité des clients..., rien ne leur était épargné. Et près d'un cadre sur trois (29 %) reconnaissait même exécuter des actions qui ne correspondaient pas à son éthique. Tout cela n'étant pas sans conséquences sur leur santé psychique et physique. La liste des affections était longue.

Naturel donc qu'ils ne voyaient pas la vie en rose, le climat social dans leur entreprise apparaissant mauvais à 49 % d'entre eux. Ils étaient même 39 % à se déclarer prêts à participer à un mouvement social. Sans doute en raison également de leur pessimisme concernant le niveau de leur future retraite (86 %), l'évolution de leur charge de travail (61 %) ou de leur niveau de rémunération (59 %), la pérennité de leur emploi (36 %).

Comme en plus ce pessimisme s'étendait à l'évolution de la place des cadres en France (47 %), de la situation économique (60 %) et de la situation sociale (73 %), on pouvait dire que ceux qui avaient la charge de diriger, d'organiser, de concevoir, de contrôler, en suivant les directives des décideurs, se trouvaient en porte-à-faux. Eux censés entraîner, traînaient leur mal-être ; et dix ans plus tard, faute de réponses, se trouvent de plus en plus à traîner les pieds. Comme de simples salariés.