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27/09/2013

Comme des petits enfants

Quand une vie nouvelle commence, très vite une question se pose concernant l'enfant : boit-il assez ? Certains soutiennent que le biberon permet de donner exactement la quantité voulue ; d'autres que «lorsqu'un enfant tète sa maman, il prend lui-même la quantité dont il a besoin (...). Mais [qu']avec l'enfant nourri au biberon, on n'est pas sûr que les rations de lait qu'on a décidé de lui donner (...) soient adaptées à ses besoins».

C'est l'avis de Laurence Pernoud qui dans J'élève mon enfant (Editions Horay) - la bible des jeunes parents - ajoutait qu'en effet, «Au même poids et pour le même âge, certains bébés ont besoin de plus de nourriture, quelquefois un tiers en plus». Et Laurence Pernoud allait même plus loin : «l'expérience vous enseignera d'ailleurs que, d'une manière générale, les enfants savent mieux que quiconque ce qui leur est nécessaire».

Ne serait-ce pas le cas des adultes aussi ?! En filigrane apparaît en effet la question des besoins de l'individu dans une société qui peut vouloir décider pour lui des normes, de ce qui lui correspond théoriquement, et dans une économie où le capitalisme «ne se conforme pas aux besoins : il les a presque tous créés» écrivait Jacques Chardonne. Ces besoins dont la satisfaction ne semble pourtant pas faire le bonheur.

Car cet "individu conforme" réclame-t-il ? pleure-t-il et crie-t-il ? dort-il bien ? Bref, a-t-il l'air satisfait de son sort comme un bébé bien nourri ? Pas vraiment, et l'explication est peut-être à aller chercher du côté de la non satisfaction d'autres besoins. Malgré un "état de besoin" créé par l'accoutumance à la consommation - entre désir de continuer et effets nuisibles -, l'individu ressentirait-il en fait un manque plus profond ?

Car «(...) l'enfant des villes rêve de campagne. Lorsqu'on lui demande de dessiner l'endroit où il voudrait vivre, il montre une maison, petite, au milieu d'un pré, avec des arbres, des fleurs, souvent des oiseaux et plus loin une rivière». Ce qu'offre la société n'est peut-être pas adapté aux vrais besoins de l'homme. On dit que "Le mieux est l'ennemi du bien", peut-être que le mieux-être est l'ennemi du bien-être, pour paraphraser Ivan Illich.

Et de fait, les envies de s'évader, de renaître, de commencer une nouvelle vie n'ont rien à voir avec des rêves de grandeurs et de châteaux en Espagne. Elles expriment au contraire le besoin de mener une vie simple, naturelle. «Bienheureux les pauvres en esprit», "ceux qui se veulent pauvres, qui sont pauvres en intention", qui se passent du superflu mais ne manquent pas du nécessaire. Bienheureux comme des petits enfants.

20/09/2013

La concentration contre la répartition

L'économiste Thomas Piketty vient de sortir aux éditions du Seuil «l'essai de la rentrée». Intitulé Le Capital au XXIème siècle, «cette somme bouleverse la réflexion sur les inégalités» écrit le magazine Télérama. Il ne faudrait toutefois pas oublier un rapport qui déjà remettait les idées en place.

Ce rapport des Nations unies sur le patrimoine avait fait l'objet d'un résumé dans une dépêche de l'AFP reprise par le journal Le Monde sur deux petites colonnes dans la page des cours de bourse. Cette étude, publiée début décembre 2006, avait été «présentée comme la plus complète jamais réalisée» et s'y replonger laisse songeur. On y apprend que «Deux pour cent de l'humanité détiennent la moitié du patrimoine des ménages, tandis que la moitié de la population mondiale en détient 1 %».

Plus intéressante encore et immédiatement analysable par chacun d'entre nous était la répartition chiffrée. «Un patrimoine personnel de 2 200 dollars ou plus [± 1 700 euros à l'époque] permet de faire partie des 50 % de personnes les plus riches au monde, 61 000 dollars [± 47 000 euros] "suffisent" pour compter parmi les 10 % de personnes les mieux dotées et 500 000 dollars [± 385 000 euros] pour accéder au club très fermé du 1 % des individus les plus fortunés.»

En fait, "Les inégalités de patrimoine sont encore plus grandes que les inégalités de revenus" observait Anthony Shorrocks, directeur de l'Institut mondial de recherche sur l'économie du développement de l'université des Nations unies (UNU-WIDER), basé à Helsinki. Phénomène que l'on retrouve en France, une étude de 2005 du Cerc-Association montrant même que depuis 1982 (!), les ménages sans patrimoine avaient vu leurs revenus d'activité (salaires + prestations sociales, hors retraites) fortement chuter.

Cette enquête des Nations unies prend en compte l'ensemble «des actifs de chaque individu adulte (propriétés immobilières, foncières, portefeuille financier...) moins les dettes, en tenant compte des taux de change et du pouvoir d'achat. Les revenus (salaires, retraites, allocations) ne sont pas exprimés». Il apparaissait ainsi que la concentration de la richesse est très forte tant entre les pays qu'à l'intérieur d'un même pays.

La concentration de la richesse dans les pays les plus développés n'étonnera personne : «25 % des 10 % des personnes les plus riches vivent aux Etats-Unis, 20 % au Japon, 8 % en Allemagne, 7 % en Italie, 6 % en Grande-Bretagne, 4 % en France et en Espagne». Mais au sein des pays : "La part de richesse détenue par les 10 % les plus riches s'échelonne d'environ 40 % en Chine à 70 % aux Etats-Unis, voire plus dans d'autres pays".

Il est surprenant de constater qu'alors que le modèle est soi-disant la démocratie libérale, on assiste non seulement à une concentration de la richesse mais aussi à une concentration des entreprises (oligopoles) et à une concentration du pouvoir entre quelques mains (oligarchie). Le "capitalisme financier" semble en fait incompatible avec une juste répartition de la richesse. Que penserait alors l’oligarchie financière d’une meilleure redistribution ?!

17/09/2013

Travailleur indépendant : "métier" d'avenir ?

Arrivé au terme (provisoire) de la réflexion sur le travail engagée voici deux semaines, l'on est en droit de s'interroger sur la prise de conscience par les dirigeants du malaise observé au travail et surtout sur leur volonté d'en réformer son organisation. Pourtant le constat est là et nombre d'études convergent pour signifier l’"abattement mêlé d'ennui, de dégoût, de découragement" du salarié français, en un mot : sa lassitude.

Le Conseil économique et social cité dans un dossier de L'Express, estimait que "ce sont les conditions de travail qui mériteraient d'être revalorisées". «Le travail précaire, l'insécurité de l'emploi, l'absence de déroulement de carrière et de valorisation des qualifications représentent, dans l'opinion des travailleurs, des facteurs beaucoup plus puissants de démotivation que la mesure quantitative du temps passé au travail.»

François Dupuy, président de la société de conseil Mercer Delta, était plus incisif : «Ce n'est pas la valeur travail qui s'est détériorée, c'est le travail lui-même». Un travail où le salaire est la variable d'ajustement pour maintenir ou rétablir les "équilibres financiers", où pire même, «Les salariés ont été instrumentalisés au nom de la logique financière» appuyait Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants.

«Comment s'étonner qu'ils s'interrogent sur leur motivation et mettent de la distance entre eux et leur boulot ?» D'autant plus, observait le sociologue Jean-Pierre Le Goff dans un numéro de la revue Le Débat, que «L'intensification du travail a comprimé les espaces de liberté, détérioré les rapports et l'ambiance de travail avec des effets de fatigue et de stress». Ceci s'ajoutant à des tâches que l'on a vidées de leur sens.

«Plus personne ne sait parler du métier, du contenu du travail, alors que c'est précisément ce qui rend les salariés fiers et heureux. On ne parle plus que des contraintes, de combien ça coûte et combien ça rapporte» soulignait Hervé Juvin, président de la société de conseil en stratégie Eurogroup Institute. «Les gens ont le sentiment que peu importe ce qu'ils font et comment ils le font. Seule compte la réalisation des objectifs.»

La solution ? Alain la suggérait dans ses Propos sur le bonheur : «Le travail est la meilleure et la pire des choses ; la meilleure, s'il est libre, la pire, s'il est serf. J'appelle libre au premier degré le travail réglé par le travailleur lui-même, d'après son savoir propre et selon l'expérience. (...) Tous les métiers plaisent autant que l'on y gouverne et déplaisent autant que l'on y obéit (...) et tout homme préférera un travail difficile où il invente et se trompe à son gré à un travail tout uni mais selon les ordres. Le pire travail est celui que le chef vient troubler ou interrompre».

Le salut du salarié viendrait-il d'un retour à la lettre ou à l'esprit du travailleur indépendant ?