Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/10/2014

Toute une éducation à refaire !

Qui ne constate l’augmentation de l'agressivité - dont le mépris est la forme la plus subtile -, que ce soit dans son immeuble ou les transports collectifs, dans la rue ou sur la route, dans les commerces ou les services publics, chez soi ou au travail... ? Les gens manifestent plus rapidement de l'hostilité et souvent pour un rien. Sorte de banalisation du comportement agressif sur l'air de "aujourd'hui, si on ne s'énerve pas, on n'arrive à rien".

Bien sûr il y a cette "incompatibilité d'humeur" (de tempérament) appelée à la rescousse pour expliquer toutes sortes de querelles entre deux personnes. Il y a aussi cette mauvaise humeur chez des personnes qui d'ailleurs semblent parfois la tenir pour du caractère ou de la personnalité, voire pour de l’intelligence. Il y a enfin un cran plus haut cette hargne (avec l'idée de "ténacité rageuse") qui révèle peut-être un manque d'humour.

La hargne, nous dit Le Petit Robert, est une "Mauvaise humeur se traduisant par des propos acerbes, un comportement agressif, parfois méchant ou haineux". Et l'humour, c'est peut-être d'abord de savoir rire, se moquer de soi-même, c'est un regard distancié afin de se garder de dramatiser ou de se prendre au sérieux, et de résister à l'amour-propre excessif qui facilement blessé, volontairement ou pas, peut réclamer vengeance.

L'individu moderne, infatué de sa personne, "trop pénétré de ses mérites", et donc incapable de reconnaître ses torts, «définit aujourd'hui ses propres règles». Il «ne tient plus compte de l'existence des autres», ne supporte plus la moindre contrariété, refuse toute autorité, toute supériorité. Mécontent de son sort, furieux de ne pas obtenir ce qu'il croit son dû, cet éternel insatisfait se pose en victime et cherche un responsable.

Le sociologue Sébastien Roche disait dans un dossier du Point que «Souvent, on se venge de ce qui nous dérange, ou nous a dérangés dans la journée, en lien ou non avec le problème présent. C'est le modèle psychologique classique frustration-agressivité». Le psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik développait : «Aujourd'hui, beaucoup de gens sont agressifs par crainte, car ils n'ont pas trouvé d'autre moyen de s'affirmer (...).

«Vous avez aussi une multitude de petits plaisirs sadiques et misérables que les gens éprouvent en étant agressifs. Je pense aux revanchards qui se vengent de leurs problèmes (…). Il existe aussi beaucoup de "petits chefs" odieux.» Des tyranneaux sans éducation ou oublieux de leur éducation, auxquels il faudrait (ré)apprendre la politesse ! «La politesse (…), conclut Cyrulnik, reste un apprentissage nécessaire pour la vie en commun.»

29/04/2014

Sans ancien, rien de nouveau

«C'est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l'école doit être conservatrice.» Ce paradoxe formulé par Hannah Arendt défend la thèse que le neuf ne peut être qu'une émanation du vieux, qu'il ne peut y avoir transgression que s'il y a tradition, indiscipline que s'il y a discipline. Pour qu'il y ait du nouveau, il faut qu'il y ait eu de l'ancien. Et c'est cet ancien qui est le terreau de nouvelles pousses.

Mais dans une époque de l'immédiateté, seul le proche avenir a de l'intérêt. Le passé et le futur sont comme hors de portée puisque prévaut la proximité dans l'espace et dans le temps. Ce qu'on ne peut toucher, appréhender virtuellement ou physiquement, ce qui n'est pas rapidement et facilement accessible, est dévalorisé. Les horizons lointains, c'est bon pour voyager pour affaires ou tourisme, par le rêve, ou sur la Toile.

Cette "loi de proximité", si chère aux journalistes, ferme nos horizons. Ce "quoi de neuf ?" incessant, ces nouvelles nous font oublier qu'il n'y a "rien de nouveau sous le soleil", que ce qu'on nous met en pleine lumière peut ne nous apporter aucune lumière, que des zones entières restent dans l'ombre. Le fou dans une ruelle obscure cherche ses clés perdues sous le lampadaire éclairé. Les clés du monde nous demeurent cachées.

Se limiter à ce qui nous est proche, à ce qui nous concerne, c'est s'amputer des leçons du passé, des enseignements de l'histoire, de la sagesse des anciens, de l'expérience accumulée, et renoncer à écrire l'histoire de demain, à forcer le destin, et passer à côté du monde. Comment faire émerger des hommes de caractère, décidés à plier le futur à leur volonté ? peut-être en les rendant forts du passé, en éprouvant leur volonté.

Le philosophe et enseignant français Alain tenait ces Propos : «L'enseignement doit être résolument retardataire. Non pas rétrograde, tout au contraire. C'est pour marcher dans le sens direct qu'il prend du recul ; car, si l'on ne se place point dans le moment dépassé, comment le dépasser ? (...) Celui qui accourt des anciens âges est comme lancé selon le mouvement juste ; il sait vaincre ; cette expérience fait les esprits vigoureux.

«Tout l'art est à graduer les épreuves et à mesurer les efforts ; car la grande affaire est de donner à l'enfant une haute idée de sa puissance, et de la soutenir par des victoires ; mais il n'est pas moins important que ces victoires soient pénibles, et remportées sans aucun secours étranger». Le progrès technologique, l'évolution des idées... sont une chose ; autre chose est de préparer les hommes de demain à faire du neuf, à être révolutionnaires.

22/04/2014

L'homme : un grand gosse qui n'a rien d'un enfant

«L'enfance est terriblement sérieuse, ne l'oubliez pas. Un enfant engage tout son être. Et nous, hommes graves et mûrs ? A quoi sommes-nous prêts à engager tout notre être ? Nous tenons trop à notre chère carcasse.» Vercors pointait ainsi un de nos travers dans une société où une fois installé, il y a plus à perdre qu'à gagner. "Parvenu à une situation qui assure l'aisance et le confort", qui serait prêt à tout remettre en jeu ?

Serions-nous devenus une société de parvenus, de nouveaux riches et de "gosses de riches", de "fils et filles à papa" sans goût, qui étalent leurs richesses avec ostentation à la face du quart-monde et du tiers-monde, et tirent avantage de leur position sans penser à après eux ? Et nous serions-nous embourgeoisés, roulant les mécaniques mais en fait ronronnant roulés sur nous-mêmes et n'ayant plus grand-chose dans le ventre ?

Et peut-on encore parler de civilisation si plus rien n'est construit pour durer, si l'on se moque de tout ce qui pourrait advenir après notre mort ? Tout serait-il dorénavant voué au temps, à l'usage, à la destruction, y compris les œuvres de l'homme ? Tout deviendrait-il produit de consommation ? Et les hommes actuels seraient-ils en réalité des petits capricieux, réclamant à cor et à cri de nouveaux "jouets" pour les casser aussitôt ?

Oui, «Beaucoup d'hommes n'engagent jamais leur être» écrivait aussi Georges Bernanos, c'est-à-dire refusent de se "mettre dans une situation qui crée des responsabilités et implique certains choix". Menant une vie sans engagement, ils ne savent pas ce qu'ils veulent et changent d'opinion à tout moment. Caractères sans consistance, ils ambitionnent de faire de grandes choses mais ne s'en donnent pas les moyens.

De tels individus "sans fermeté, irrésolus", irréfléchis et changeants, incapables de faire des choix et de s'y tenir, de prendre leurs responsabilités, de s'exposer, de s'assumer et d'assumer, doivent toutefois donner le change à ceux qui les entourent. Ils se composent un personnage dont les attitudes et les expressions masquent leurs abdications. Et ils font du sentiment là où seules la raison et l'action devraient avoir leur place.

Ces "gamins" impulsifs agissent "selon leur fantaisie", "par humeur et non par raison, par volonté". Coups de tête, foucades, tocades sont leur quotidien. Pleins de bonnes résolutions sans lendemain, de promesses en l'air, d'engagements non respectés, d'obligations non remplies. Trop gâtés et "sur la défensive", ils ne se donnent pas entièrement, mesurent leur peine, leurs efforts, ils comptent quand un enfant lui ne compte pas.