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17/01/2020

Une année folle, comme les autres

L'un est né ainsi : simple d'esprit. De sa démarche saccadée, il s'avance vers l'arrêt de bus et lance à l'inconnu qui attend : «Meilleurs vœux et bonne année». Celui-ci interloqué bredouille un «à vous aussi» qui se perd dans le bruit de la circulation. Le "simplet" se balance alors d'un pied à l'autre. De temps en temps, il meuble le silence. «Il est en retard ce matin» ou «Ça caille ce matin». L'inconnu opine de la tête, pense au travail qu'il retrouve après les fêtes et soupire.

L'autre a peut-être été un jour cet inconnu. Né vif d'esprit, il a réussi de brillantes études, s'est associé dans une entreprise qu'il a fait prospérer, a pris des responsabilités au sein de sa profession. Mari et père de famille comblés, il habite une demeure cossue dans un beau quartier d'une grande ville française. Tout pour être heureux. Mais un jour, il décide que c'en est assez et ne retourne pas au travail après un nième conflit entre collaborateurs ou une nième réunion tendue entre dirigeants du groupe.

Et c'est ici que le simple d'esprit et le vif d'esprit se retrouvent. Tous deux font aujourd'hui de la poterie dans un établissement spécialisé. Bien sûr le simple d'esprit est malade. Il passera sa vie à la charge de sa famille et de la société, en "semi-autonomie" et "semi-inconscience". Le vif d'esprit lui, vient renforcer les rangs des résidents en maisons de repos. Ceux qui ont "craqué", qui ne parviennent plus à supporter la pression, expliqueront certains psychologues en culotte courte.

Des malades qui s'ignorent, voilà en fait ce que seraient ces êtres qui se révèlent "fragiles", parfois à l'occasion d'un simple incident : une goutte qui fait déborder le vase. Et la société et les proches désorientés de les écarter comme s'ils étaient contagieux. Et si tout simplement ces personnes, illuminées, refusaient inconsciemment cette société, ces proches qui en demandent trop ? Et si elles n'avaient jamais été aussi heureuses qu'en faisant de la poterie ? Et si elles avaient en fait tous leurs esprits ?

«(...) Ce qui est "dingue" pour moi, disait un "fou" dans le film Les Ailes de l’enfer, c'est de passer quarante années de sa vie à travailler huit heures par jour, cinq jours sur sept dans un bureau minable, avant d'être jeté et de se retrouver dans un asile de vieillards à appeler la mort de ses vœux, dans l'angoisse de ne pas arriver jusqu'aux toilettes à temps. Pour toi, ce n'est pas de la folie ça ?»

06/06/2014

Incompétence sans limites

Vous connaissez peut-être Le Principe de Peter, du nom de celui qui l'a énoncé, le professeur Laurence J. Peter, spécialisé dans la psychologie et l'orientation. Dans son livre sous-titré «ou pourquoi tout va toujours mal», il le formulait ainsi : «Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence», avec son corollaire : «Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité».

Bien sûr cela s'entend «en supposant l'existence d'un nombre suffisant de rangs dans la hiérarchie». Et puis ajoutait Peter, «Vous trouverez rarement un système dans lequel chaque employé aura atteint son niveau d'incompétence, naturellement. Dans la plupart des cas, le travail continue. Ce travail est accompli par les employés qui n'ont pas encore atteint leur niveau d'incompétence». Il n'y a pas de places pour tout le monde.

Ce professeur pourrait passer pour un impertinent quand il paraît normal de croire «que les postes de commande sont aux mains des élites». Particulièrement en France dont Franz-Olivier Giesbert écrivait dans La Tragédie du président chez Flammarion, qu'elle «est un pays monarchique et plutôt crédule où, pour être considéré, il faut afficher des airs profonds, les yeux plissés, le menton césarien, en observant des silences éloquents».

Mais voilà, son analyse est corroborée par les travaux de deux psychologues à la Stern School of Business de New York, Justin Kruger et David Dunning qui, écrivait en 2006 le magazine L'Expansion, «ont soumis 45 participants à un test de compétence logique, leur ont fait analyser leurs performances, puis leurs résultats : les plus mauvais - ceux qui obtiennent 10 % de bonnes réponses - sont persuadés d'avoir réussi 60 % du test.

«Qui plus est, ils prétendent être capables d'obtenir 70 % de réponses correctes.» En fait selon Kruger et Dunning, leur prétention n'a d'égal que leur incapacité que révèle leur défaut de clairvoyance. «Le plus inquiétant, c'est que ce cocktail d'incompétence et de confiance en soi constitue un moteur de réussite professionnelle.» Inconscients de leur incompétence, ils montrent un aplomb imperturbable, un plus devant des recruteurs.

Tandis que d'autres, par exemple «les participants ayant obtenu 90 % de bonnes réponses au test de la Stern School sont trop modestes : ils estiment avoir réussi 70 % des épreuves. Dans la vie professionnelle, ils auront tendance à se sous-estimer, au point de manquer d'ambition. Et au risque de laisser passer devant eux des incompétents toujours sûrs d'eux». Ce qui expliquerait en partie «pourquoi, d'après Peter, tout va toujours mal».