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06/06/2014

Incompétence sans limites

Vous connaissez peut-être Le Principe de Peter, du nom de celui qui l'a énoncé, le professeur Laurence J. Peter, spécialisé dans la psychologie et l'orientation. Dans son livre sous-titré «ou pourquoi tout va toujours mal», il le formulait ainsi : «Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence», avec son corollaire : «Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité».

Bien sûr cela s'entend «en supposant l'existence d'un nombre suffisant de rangs dans la hiérarchie». Et puis ajoutait Peter, «Vous trouverez rarement un système dans lequel chaque employé aura atteint son niveau d'incompétence, naturellement. Dans la plupart des cas, le travail continue. Ce travail est accompli par les employés qui n'ont pas encore atteint leur niveau d'incompétence». Il n'y a pas de places pour tout le monde.

Ce professeur pourrait passer pour un impertinent quand il paraît normal de croire «que les postes de commande sont aux mains des élites». Particulièrement en France dont Franz-Olivier Giesbert écrivait dans La Tragédie du président chez Flammarion, qu'elle «est un pays monarchique et plutôt crédule où, pour être considéré, il faut afficher des airs profonds, les yeux plissés, le menton césarien, en observant des silences éloquents».

Mais voilà, son analyse est corroborée par les travaux de deux psychologues à la Stern School of Business de New York, Justin Kruger et David Dunning qui, écrivait en 2006 le magazine L'Expansion, «ont soumis 45 participants à un test de compétence logique, leur ont fait analyser leurs performances, puis leurs résultats : les plus mauvais - ceux qui obtiennent 10 % de bonnes réponses - sont persuadés d'avoir réussi 60 % du test.

«Qui plus est, ils prétendent être capables d'obtenir 70 % de réponses correctes.» En fait selon Kruger et Dunning, leur prétention n'a d'égal que leur incapacité que révèle leur défaut de clairvoyance. «Le plus inquiétant, c'est que ce cocktail d'incompétence et de confiance en soi constitue un moteur de réussite professionnelle.» Inconscients de leur incompétence, ils montrent un aplomb imperturbable, un plus devant des recruteurs.

Tandis que d'autres, par exemple «les participants ayant obtenu 90 % de bonnes réponses au test de la Stern School sont trop modestes : ils estiment avoir réussi 70 % des épreuves. Dans la vie professionnelle, ils auront tendance à se sous-estimer, au point de manquer d'ambition. Et au risque de laisser passer devant eux des incompétents toujours sûrs d'eux». Ce qui expliquerait en partie «pourquoi, d'après Peter, tout va toujours mal».

22/10/2013

Trois petits tours et puis s'en va

"Passer le temps", tel semble être le destin de l'homme. Son "emploi du temps" très chargé lui fixe ses occupations d'employé, de consommateur... Le mode d'emploi de sa vie est catégorique : pas de "temps morts", "tuer le temps", le "temps libre" doit être occupé. Le passe-temps plutôt que l'ennui, cette "impression de vide, de lassitude causée par le désœuvrement, par une occupation monotone ou dépourvue d'intérêt".

Le rapport d'activité de l’homme doit être en fait comme sa vie : bien rempli ! Pas question de «laisser du temps au temps». Il convient de se dépenser et de dépenser "à temps plein". "Trouver le temps long" est tout simplement insupportable, inacceptable. Tout doit être "court, concis, succinct, bref, instantané". La faveur va à ce qui "ne dure qu'un temps", à ce qui est éphémère, provisoire. "Tout passe, tout lasse, tout casse".

"Faire un bon temps", mieux : "réaliser le meilleur temps", voilà la condition pour "être dans la course", "rester dans la course". Et puis "se distraire pour oublier", s'étourdir. Mais à vivre "en deux temps, trois mouvements", "en un temps record" pour "ne pas voir le temps passer", l'homme finit "rattrapé par le temps". "La course du temps" s'impose à lui : il "ne fait que passer". "Ça passe ou ça casse" ? Ça casse toujours.

L'homme doit se résoudre à "n'avoir qu'un temps". Très vite, il se trouve "n'être plus dans la course", "être à bout de course". Et souvent, c'est au moment où tout lui fait comprendre qu'il "a fait son temps", qu'il se décide à "ouvrir les yeux", à "voir la réalité telle qu'elle est". Trop tard. Les "contes et légendes" qu'on lui a chantés sur tous les tons, et qui l'aidaient à continuer, ne lui sont désormais d'aucun secours.

"Ah ! Si j'avais su !" l'entend-on marmonner. Mais en retour la société ne fait que crier : "Au suivant !". Cette société policée - en apparence, car pas si humaine que cela - où tout doit être fonctionnel, y compris l'homme destiné telle une chose à d'abord "remplir une fonction pratique" : "facile à utiliser, commode, efficace". Ici, "pas de sentiment !", il faut assurer le fonctionnement du Mécanisme, la construction du Meccano.

L'homme n'est qu'un mécano de passage dont le rôle est d’"assurer la continuité". Pas d'à-coup ni de rupture, tout doit être fait pour obtenir de cet "animal" si difficile à mener, une parfaite collaboration, et pour ne pas entraver le mouvement de la Belle Mécanique ; "le changement" n'étant concevable que "dans la continuité". Et pour éviter à l'homme de gamberger, quoi de mieux que de ne pas lui en laisser le temps et de l'occuper en continu !?