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15/09/2020

Les élites, les médias et les masses

La question de la crédibilité des médias renvoie à l'idée de vérité qui n'a rien à voir avec celle de sincérité. La bonne foi ne préserve pas de l'erreur : je peux être sincère et "être dans le faux" ; je peux me tromper sincèrement. La vérité est un absolu. Seule la vérité rend libre. Mais vis-à-vis de la vérité et du mensonge, les "mass média" ne pèchent-ils pas en pensée, en parole, par action et par omission, comme chacun d'entre nous ?

D'abord, voulons-nous être libres ? Pouvons-nous l'être dans nos sociétés modernes ? Ne préférons-nous pas à tout prendre, la sécurité à la liberté ? Et si la possibilité nous en était offerte, saurions-nous être libres ? Quant aux médias, peuvent-ils, doivent-ils dire toute la vérité, rien que la vérité et le jurer ? On peut en douter. La plupart des "hommes responsables" ayant répondu de tout temps par la négative.

Les présupposés qui obscurcissent notre perception de la société, se retrouvent naturellement dans les médias. Le risque pour ces derniers et les élites dirigeantes réside dans l'écart entre la réalité vécue et sa "représentation" convenue ou idéalisée. Quand celui-ci se creuse trop, c'est comme si un coin du voile se soulevait, comme si l'envers du décor apparaissait. Les médias et les responsables se décrédibilisent.

Le rôle essentiel des médias est - en dehors de participer à la création de besoins nouveaux - de faire lien, de relier (voire de lier, de rendre dépendant), c'est-à-dire en clair d'aider au maintien de la cohésion sociale, de la paix sociale, de la stabilité. Pour autant, nulle "théorie du complot" ici, comme l'expliquent Noam Chomsky et Edward S. Herman dans leur livre La Fabrique de l'opinion publique (Le Serpent à Plumes).

Pour eux : «La plupart des préjugés médiatiques ont pour cause la présélection d'un personnel bien-pensant qui intériorise des idées préconçues et s'adapte aux contraintes exercées par les propriétaires, le marché et le pouvoir politique». Ainsi «La censure est généralement de l'autocensure», et avant tout par conformisme. Et l'information, la vérité sont tronquées au prétexte que le peuple ne pourrait pas comprendre.

«Qui a crevé les yeux des hommes leur reproche d'être aveugles» écrivait John Milton. Daniel Carton dans Bien entendu... c'est off chez Albin Michel, cite Paul Valéry : «La politique, c'est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde». Et ajoute : «De cet art, la presse politique s'est fait le premier serviteur». Contribuant ainsi à façonner des masses ignorantes et dépendantes, plutôt que des individus éclairés et libres.

16/08/2020

Mélodies d'été, mélancolie d'hiver

«Des villas, des mimosas, Au fond de la baie de Somme, La famille sur les transats, Le pommier, les pommes. Je regardais la mer qui brille dans l'été parfait. Dans l'eau se baignaient des jeunes filles qui m'attiraient.» La chanson d'Alain Souchon exprime la nostalgie de l'enfance et des vacances en famille. On avance, tel est son titre ; évocateur de la fuite des jours et de nos fuites : "en avant" ou "devant nos responsabilités".

On est cette «Foule sentimentale» dont parle encore Alain Souchon : «On a soif d'idéal - Attirée par les étoiles, les voiles - Que des choses pas commerciales». Le temps des vacances est aussi celui de l'abandon - de la détente, de la nonchalance - et de l'abandon de notre vie bassement matérielle et de ses intérêts. Tout à la "satisfaction" de nos "aspirations du cœur ou de l'esprit", nous retrouvons pour un moment notre naturel.

Mais «Foule sentimentale - II faut voir comme on nous parle - Comme on nous parle» continue Alain Souchon. Car dès la rentrée, le matraquage reprendra. Nous serons à nouveau bombardés : «0h la la la vie en rose - Le rose qu'on nous propose - D'avoir les quantités d'choses - Qui donnent envie d'autre chose - Aïe, on nous fait croire - Que le bonheur c'est d'avoir - De l'avoir plein nos armoires - Dérisions de nous dérisoires (...)».

«Il se dégage - De ces cartons d'emballage - Des gens lavés, hors d'usage - Et tristes et sans aucun avantage - On nous inflige - Des désirs qui nous affligent - On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né - Pour des cons alors qu'on est - Des - Foules sentimentales - Avec soif d'idéal (...)». Une soif de bien-être, un "désir passionné et impatient" - "ardent" - de nous accomplir, de nous épanouir, de nous réaliser pleinement.

«La France ne se réalise pleinement que dans l'harmonieux équilibre» écrivait André Gide. N'est-ce pas ce qui nous manque cruellement ? N'est-ce pas ce que nous recherchons désespérément ? L'harmonie, l'équilibre, comme dans notre enfance ou en vacances. Mais «Il y a tant de vagues et de fumée - Qu'on arrive plus à distinguer - Le blanc du noir - Et l'énergie du désespoir (...)» chantait Michel Berger dans Le paradis blanc.

«Y a tant de vagues, et tant d'idées - Qu'on arrive plus à décider - Le faux du vrai - Et qui aimer ou condamner (...)». Alors peut-être faut-il mettre à profit ces quelques jours de vacances pour retrouver nos esprits, et retrouver les jours où «On voulait tout le monde refaire». Et «Recommencer là où le monde a commencé (...)- Loin des regards de haine - Et des combats de sang (...) - Comme dans mes rêves d'enfant (...)».

03/07/2020

Des congés bien utiles

Nous voici au cœur de l'été. Le temps des grandes vacances pour celui qui le peut. L'occasion de dételer, cesser de travailler, adopter un mode de vie plus calme, et de se détendre, se laisser aller, se décontracter. Il faut le voir détaler à l'heure du départ, prendre congé de sa société et de la société sans regarder en arrière. Comme un condamné rendu à la liberté, voulant oublier son passé et savourer le moment présent, part sans se retourner.

Le fonctionnement excessif d'un organisme conduit à une diminution de ses forces, de son activité. La fatigue provoquée chez toute personne par les excès de la vie de tous les jours, rend nécessaires des pauses régulières, des "permissions". Entre lassitude et épuisement, elle a besoin de se refaire une santé. C'est pour cela que des temps de repos sont accordés au salarié, afin qu'il recouvre son énergie et reste performant.

Recharger ses batteries est l'objectif des congés payés. Une perte d'efficacité, une baisse d'activité ne sont pas envisageables. En outre, les loisirs sont devenus un secteur-clé de l'économie nationale. Les loisirs sont coûteux, ils font tourner la Machine. Laisser la société comme elle est paraît donc plus avantageux que de construire une société évitant le stress (la fatigue nerveuse) et le surmenage (la fatigue cérébrale, intellectuelle).

L'individu est ainsi enfermé dans un enchaînement de causes et d'effets. Le système économique tel un rouleau compresseur le lamine lentement mais efficacement, puis organise pour lui au bout du rouleau les occupations et les distractions lucratives de ses "temps de liberté", qui agissent comme une soupape de sécurité. Sous pression, l'être humain doit en fait décompresser sous peine de dépression, avant d'être pressé à nouveau.

Diminué, réduit à peu de chose et comme anéanti - perdu dans la multitude et pris dans les engrenages de la société -, l'homme vit ces périodes d'arrêt du travail comme une sortie de l'ordinaire. Mais en réalité les congés rentrent vite dans l'ordre normal, habituel des choses. L'évasion de la vie quotidienne est rattrapée par la banalité et la monotonie. L'itinéraire est fléché. Et puis l'animal dompté regagne sa cage de lui-même.

Dans notre grand Monopoly où règne la "libre circulation", le retour à la case départ est inscrit dans la règle du jeu. On ne part que pour mieux revenir à sa place, rejoindre sa prison dorée. Dans le film de Bertolucci Un thé au Sahara, il est dit concernant la différence entre le voyageur et le touriste : «Le touriste pense au retour avant même de partir, le voyageur, lui, ignore s'il reviendra un jour». Nous ne sommes tous que des touristes.