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25/05/2022

La guerre n'aura pas lieu

"Ah ! les grands hommes que voilà !" pouvions-nous dire en voyant, il y a exactement vingt ans, Georges W. Bush et Vladimir Poutine tous les deux la main dans la main et scellant par un traité de désarmement nucléaire leur réconciliation et la fin de la guerre froide. N'était-ce pas émouvant cet engagement réciproque de réduire des deux tiers le nombre d'ogives nucléaires ?! Depuis 2002 nous pouvions donc dormir tranquilles : la guerre n'aura pas lieu.

Il faut toutefois avoir à l'esprit que les responsables des Etats-Unis et de l'URSS, aujourd'hui la Russie, ont à quarante années de distance, décidé de positions diamétralement opposées. D'abord la course aux armements, extrêmement coûteuse, où le but était d'en avoir plus que l'autre ; et bisque, bisque, rage ! Puis, la réduction des arsenaux stratégiques, du "trop-plein" ne servant en fait à rien.

Car ces "grosses têtes" avaient accumulé de chaque côté du rideau de fer plus de têtes nucléaires qu'il n'en fallait pour anéantir plusieurs fois notre planète. En cette année 2012, terme de l'accord, il ne devait plus en avoir "que" 2000 environ de part et d'autre (au lieu des 6000 à 7000 à l'époque) ; de quoi encore annihiler toute vie humaine sur terre. Il paraît que la paix est à ce prix : l'équilibre de la terreur.

Il faut donc la menace d'une apocalypse pour dissuader des "élites" équilibrées et raisonnables de se faire la guerre. Il faut aussi que des intérêts financiers et de sécurité soient en jeu pour que ces mêmes "élites" décident du démantèlement de ces armements. Il s'agit d'ailleurs d'un stockage dans des conditions indéterminées, et non d'une destruction. Leur réactivation est ainsi toujours possible.

Car la destruction de telles armes est aussi sinon plus coûteuse que leur création. C'est une des façons pour ces "créatures" - à la manière de celle de Frankenstein - de "se retourner" contre "leur créateur", qui en perd le contrôle absolu. On savait l'homme ennemi de lui-même ; on peut penser que l'ennemi dans une guerre nucléaire, c'est la guerre elle-même*, tant ses effets sont dévastateurs.

Et alors que le risque de conflit Est-Ouest semble réactivé, s'ajoutent les dangers des missiles tactiques, de la prolifération nucléaire, des armes de destruction massive chimiques ou biologiques... Un monde de cauchemar d'où nous proviennent les cris désespérés du héros de La Planète des singes, qui s'adressent à tous les fauteurs de guerre : «Ah ! les criminels ! Ils les ont fait sauter leurs bombes. Ah ! les fous ! Je vous hais ! Soyez maudits jusqu'à la fin des siècles».

* Cf. USS Alabama, film de Tony Scott

29/03/2022

Combattre la guerre qui est en nous

Les entendez-vous ceux qui répètent à l'envi l'évidence : "La guerre, c'est pas bien" ? Comme si toute l'Histoire n'était pas une addition de tueries, comme si elle n'exaltait pas les conquêtes sanglantes, comme si nous ne piétinions pas des millions de restes d'humains envoyés ad patres, comme si la mort naturelle ou la mort de vieillesse étaient cause de la majorité des décès, comme si la mort violente n'était pas partout.

Les voilà épouvantés par le recours à la force, alors que combien se groupent afin d'être plus forts, roulent les mécaniques pour impressionner, répondent à la menace par la menace, privilégient les rapports de force jusqu'à l'épreuve de force. Ces "partisans de la paix", de quoi sont-ils capables dans leur vie de tous les jours pour avoir le dessus ? Ces pacifistes sont-ils pacifiques ? Sont-ils si différents des bellicistes ?

En tête des manifestations, ces agitateurs ou activistes n'aimeraient-ils pas plutôt imposer leur paix comme leur idéologie, et ne voir qu'une seule tête ? Mais la paix ne se décrète pas et «La véritable paix implique la reconnaissance du conflit et des différences» (Armand Abécassis). Est-ce le cas ? Sont-ils tolérants quand ils s'autoproclament, comme d'autres, membres du camp du Bien, et qu'ils jouent de l'intimidation ?

Tellement suffisants, ils n'hésitent pas pour la bonne cause à "éliminer" les "mal-pensants". La démocratie leur offre une panoplie d'armes non létales : ne pas donner la parole, faire taire ou discréditer sont trois façons de "tuer" le citoyen galeux ou le débat. Ils ont "la vérité" et parfois la majorité pour eux, cela leur suffit pour couper court à toute discussion. Sans honneur et toute honte bue, ils aiment vaincre sans péril.

Ils ne voient pas que la guerre permanente que beaucoup font aux autres (et à eux-mêmes aussi) dans notre monde d’"hyper-compétition", est similaire dans sa mécanique aux guerres meurtrières qu'ils combattent. Au quotidien : défense d'intérêts, arrogance, agressivité, hostilité, colère ; manœuvres, pressions, provocations, attaques, humiliations ; rivalités, querelles, luttes, règlements de comptes, vengeances...

Et nos sociétés communient ainsi dans des tensions perpétuelles jusqu'à la rupture, dans la violence contenue ou exprimée. Ouvrons les yeux, la violence est en nous tous, et les victimes de cette guerre totale se comptent par millions. La paix ne viendra que de notre volonté de la dompter, en adoptant une attitude paisible, douce et mesurée, mais aussi respectueuse, attentive, attentionnée, équitable et conciliante.

14/03/2022

Au centre de la vie publique : la parole

«Il est d'un bon citoyen de préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent.» La maxime de Démosthène citée par Nicolas Baverez dans son livre Nouveau monde Vieille France aux éditions Perrin, s'applique on ne peut mieux à notre situation, à la veille d'une échéance électorale que d'aucuns annoncent capitale. Mais un "vrai débat", un débat d'idées, nous a-t-il permis d'y voir clair ? Et d'ailleurs, celui-ci pouvait-il avoir lieu ?

Interrogé à ce sujet un an avant l'élection présidentielle de 2007, Michel Rocard répondait : «Non, la télévision va l'interdire. Ce sera un match de boxe.» Et ça n'a pas manqué. Les formules assassines ont plu comme autant de coups pour terrasser l'adversaire. Et puisque les mots n'ont plus aucun poids et que le pouvoir est dans les images, on n'a pas lésiné sur les photos-chocs et chic destinées à frapper les esprits plus qu'à les instruire. L'émotion sans un mot.

Alain Finkielkraut dans son dialogue avec Peter Sloterdijk intitulé Les battements du monde chez Pauvert, constatait l'impossibilité de discuter sereinement : «Sans doute reste-t-il en France assez de monde commun pour que les débats nationaux puissent naître et prendre corps, mais il n'y a plus assez de culture, de civilité, de goût de la conversation, d'humilité devant la complexité des choses pour que ces débats soient dignes».

Et puis, écrivait Nicolas Baverez, «Plus les démocraties sont vieilles et les citoyens blasés, plus la vertu doit être au principe de leur gouvernement, plus le souci de la rigueur et de la vérité doit animer le débat public». Est-ce le cas ? Poser la question, c'est y répondre. Dans ces conditions, comment le citoyen pourrait-il se déterminer ? Impossible pour lui de se faire une idée exacte de la situation. La démocratie est confisquée.

Il faut peut-être "redonner à la parole le rôle d'outil vivant de la démocratie" comme le proposait Philippe Breton dans son ouvrage La Parole manipulée aux éditions La Découverte. Redonner du poids aux mots, de l'importance au discours demande de ne plus "parler à la légère", de bannir les "paroles en l'air", les "belles paroles", les "petites phrases", et de "n'avoir qu'une parole". Une parole qui engage, disait Georges Bernanos.

"La démocratie, qui a placé la parole au centre de la vie publique" est menacée par "les manipulations de la parole", l'absence de débat, sa pauvreté ou sa confusion. Revaloriser la parole, rétablir, enrichir, clarifier le débat seraient des "mesures de salubrité publique". Sinon, qui croire (sur parole), ou que croire ? L'histoire enseigne, notait Nicolas Baverez, que «les hommes qui ne croient plus en rien sont mûrs pour croire à n'importe quoi».