Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/07/2024

De grands démocrates

De grands démocrates ont décrété que le Rassemblement national (RN) ne pouvait avoir la majorité absolue ou même une majorité relative lui permettant de former un gouvernement. Des partis qui eux se disent de gouvernement (avec les résultats que l’on sait), se sont donc mis d’accord pour empêcher que le scrutin se déroule normalement. Le programme du RN était dangereux, son inexpérience dangereuse, ses arrière-pensées dangereuses… Ce qui n’est pas sans rappeler la grande frayeur à l’arrivée en 1981 des socialo-communistes, auxquels on reprochait les mêmes choses.

De grands démocrates ont orchestré des désistements massifs, au plus haut niveau de l’État et avec notamment La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Écologistes, le Parti communiste français (PCF)…, et ont ainsi permis essentiellement à des candidats d’Ensemble ! pour la République (Renaissance, Mouvement démocrate, Horizons…) et du Nouveau Front Populaire (NFP) mais aussi des Républicains (LR) de l’emporter. Signifiant en quelque sorte qu’ils se considéraient comme les propriétaires de la Cinquième République et qu’ils refusaient d’en être délogés.

De grands démocrates ont souligné dimanche 7 juillet au soir la défaite du RN pour s’en satisfaire voire jubiler, la victoire de la gauche pour s’en satisfaire voire jubiler, la demi-victoire du centre et la bonne surprise pour LR (Les Républicains). Une simple lecture pourtant des résultats électoraux mettait en évidence que c’était la suppression des triangulaires qui avait permis cette "défaite" et ces "victoires". Dans l’euphorie d’avoir "sauvé" la République, leur République, et donc leur place forcément légitime en son sein, ils en oubliaient le nombre de voix et les pourcentages.

De grands démocrates qui s’étaient pourtant alliés à d’autres grands démocrates pour "faire barrage" au RN (à moins que ce ne soit à la démocratie, à la volonté d’une forte proportion du peuple français), ont tout à coup (re)découvert qu’une partie de la gauche qu’ils venaient de favoriser, était pour le coup radicale, jusqu’au-boutiste voire fanatique. D’où dans la panique, un autre barrage pour empêcher essentiellement LFI et Jean-Luc Mélenchon d’être au gouvernement. Les amis d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui : « va comprendre Charles ! »

De grands démocrates ont donc décidé de leur propre chef qu’entre un peu plus de 210 députés (avec seulement LFI + RN) et un peu plus de 320 députés (si l’on prend tout le NFP + RN), et donc qu’autour de 15 à 18 millions d’électeurs, comptaient pour rien et ne pouvaient avoir voix au chapitre. Au pire chez certains, l’on pourrait ainsi trouver normal que près de 60% des électeurs qui se sont exprimés au premier tour de ces élections législatives ne puissent pas être représentés dans le prochain gouvernement. Mais bien sûr, vive la République et vive la France !

De grands démocrates arrivés en tête en nombre de sièges mais ne pesant même pas un tiers de l’Assemblée nationale, ont conclu qu’il leur revenait de gouverner la France et d’appliquer intégralement un programme devant lequel paraissent très modérés voire carrément mollassons le Programme commun de la gauche (des socialo-communistes) et les 110 propositions qui menèrent François Mitterrand à l’Élysée le 10 mai 1981. Et devant une certaine réticence, tout de suite d’intimider, de menacer, d’invectiver… Peut-être sont-ils aussi démocrates que leur mouvement et l’association qui va avec, ont un fonctionnement démocratique ?

Diaboliser et "tenter le diable"

De grands démocrates se permettent d’exclure de ce qu’ils appellent « l’arc républicain » ou « le champ républicain » un ou des partis admis par les lois de la République, leur déniant une légitimité politique. Quelques années après que le Front national est devenu le Rassemblement national, des groupements hétéroclites reprennent à leur compte le terme de "front", sans référence aucune hélas au siège de la pensée mais en référence plutôt à une ligne ou une zone de batailles : Front populaire, front républicain…, ce qui ne peut mener qu’à des confrontations, qu’à des affrontements.

De grands démocrates devraient comprendre qu’il est temps d’inclure des partis dits extrêmes et en particulier le RN qui représente plus de 10 millions de citoyens français, tout aussi démocrates et républicains que les autres, et de le traiter en opposant, en adversaire politique et non en ennemi. On ne peut continuer à rejeter ou mépriser en bloc (de façon simpliste et extrême) un parti légal, ses idées, ses analyses, ses propositions, ses électeurs et leurs préoccupations. Là est le péché originel, le "first blood", le premier sang versé, la première offense, la violence mère.

De grands démocrates un peu bas du front devraient revenir à la raison. Le RN n’est pas là par hasard depuis quarante ans dans le paysage politique français. Il répond, peut-être mal, à des problèmes bien réels (dont la montée des violences et de l’insécurité, de l’islamisme, d’une immigration incontrôlée) qu’il ne suffit pas d’évacuer, parce que jugés politiquement incorrects, pour qu’ils ne se posent plus. Mais encore faudrait-il que certains de ces grands démocrates n’aient pas intérêt à la radicalisation, à la conflictualisation, à la discrimination… et en même temps à la complaisance, à la connivence.

De grands démocrates devraient pouvoir reconnaître qu’avec 37 sièges obtenus dès le premier tour (32 au NFP), le RN a dépassé au second tour de 1 740 000 voix le NFP (contre 380 000 voix au premier tour), soit un écart de près de sept points en pourcentage des votes exprimés (contre un point au premier tour), le NFP baissant entre les deux tours de 28,06% à 25,68%. Et si l’on compte les voix obtenues par les candidats apparentés d’Éric Ciotti, c’est cinq points de plus pour le RN au second tour (3,96 au premier tour), soit 37,05% contre 25,68% au NFP.

De grands démocrates soulignent-ils ce fait majeur ? Près de onze points et demi d’écart (plus de 3,1 millions de voix), malgré les "combinazione" ! Dit autrement, RN et alliés n’ont perdu qu’un peu plus de 500 000 voix entre les deux tours alors que 38 de leurs candidats avaient été élus dès le premier tour. En comparaison, avec 32 sièges obtenus au premier tour, le NFP a perdu près de 2 millions de voix entre les deux tours ! Où est le front républicain en matière de mobilisation ? Juste trois points pour Ensemble ! (23,14% des votes exprimés contre 20,04% au premier tour).

De grands démocrates peuvent-ils admettre que le rappel des troupes n’a pas fonctionné à gauche entre le premier et le second tour, que seuls les reports de voix ont joué ? Et ces grands démocrates sont-ils seulement choqués de constater qu’au second tour il a fallu au RN 114 875 voix pour obtenir un siège, au NFP 47 978 voix, à Ensemble ! 42 661 voix, à LR 38 807 voix, soit 2,4 à 3 fois plus de voix ? Si l’égalité était honorée, à combien de sièges pourrait prétendre le RN ? Heureusement que tout cela s’est fait dans le cadre du mode de scrutin et dans le respect des règles électorales.

Basse tactique électorale

De grands démocrates peuvent-ils cautionner cela ? Presque tout s’explique, répétons-le, par la manœuvre visant à réduire l’offre politique du second tour en retirant un candidat pour passer de triangulaires à des duels dans 215 circonscriptions (173 perdues par le RN). Bien sûr, tout cela est légal, mais qu’en est-il des principes ? De l’esprit de la loi et de la Constitution ? Bien sûr, beaucoup d’électeurs ont reporté leur voix suivant les consignes (à des degrés divers suivant les partis en lice) mais aussi sous la pression d’une mobilisation militante peut-être sans précédent et tous azimuts.

De grands démocrates s’en émeuvent-ils ? Le matraquage a été tel que par exemple 26% des électeurs LR et divers droite (les plus proches politiquement du RN) ont voté pour un candidat LFI face au RN (29% pour un candidat PS, PCF ou écologiste).  Et l’inverse est vrai : dans le cas d’un duel RN/LR, 70% des électeurs du NFP ont choisi de voter pour le candidat LR. Des électeurs donc persuadés de défendre la démocratie, la République, la France. Que ces électeurs aient pu accepter la thèse de l’ennemi public numéro un en dit long sur l’efficacité de cette campagne d’intoxication.

De grands démocrates ont réussi à vendre le "Tout sauf le RN", "l’esprit du mal" incarné. Parvenir ainsi à retourner les esprits sans aucun élément factuel (combien d’enquêtes sur la gestion des mairies RN ?) ou sinon, avec des éléments uniquement orientés ou à charge et sans "parole à la défense", parvenir à instiller l’idée que c’était le RN qui divisait et était néfaste pour le pays (et non pour le statu quo ou pour les statuts sociaux de nombre de grands démocrates en poste), relève d’une stratégie du bouc-émissaire qui fait du RN le responsable de la situation alors qu’il n’est pas aux affaires.

De grands démocrates ont suscité, encouragé ou approuvé ce "bombardement en tapis" propagandiste ou "bombardement de saturation" de l’espace médiatique notamment. Plaçant les électeurs au minimum sous influence et presque même sous la contrainte. Mais ceux-ci peuvent constater aujourd’hui que ces grands démocrates dans leur obsession d’empêcher le RN d’obtenir une majorité absolue ou relative, en ont tant et tant fait qu’il n’y a aucune majorité absolue ou relative pour qui que ce soit. Pour eux, ils ont évité le pire et se rengorgent. Mais la réalité est peut-être tout autre.

De grands démocrates ont déchaîné les passions, les pulsions, hystérisé et ostracisé, exalté, déliré, surexcité…, ont déclaré le RN indigne de toute considération, l’ont dénoncé au mépris public. Parfois les mêmes qui démonisent le RN, angélisent certaines idéologies, certains fondamentalismes, certains radicalismes absolus... En s’opposant par tous les moyens, pour le moins limites pour ne pas dire extrêmes, en allant jusqu’à nazifier le RN, l’animaliser, ils se sont comportés en muftis républicains lançant des fatwas laïques, des condamnations sans appel.

Politiquement malin, moralement méprisable

Ces grands démocrates ont refusé de perdre le pouvoir et refusé au RN de parvenir au pouvoir. Ils peuvent espérer que des militants, sympathisants et électeurs de ce parti, lassés de perdre, se tournent vers des partis comme LR qui depuis douze ans tente de se refaire une virginité politique et maintenant reprend les propositions du RN en matière de sécurité, de justice, d’immigration... Mais quoi qu’il en soit, il demeure que ces élections ont été faussées par une surreprésentation de la gauche, du centre et de LR à l’Assemblée nationale, contraire à la réalité politique du pays.

Ces grands démocrates devraient savoir qu’on ne peut toucher impunément aux valeurs et pratiques républicaines. Qui plus est, une démocratie représentative doit garantir le pluralisme politique et des élections libres. Si l’expression de toutes les opinions n’est plus réellement permise par une déconsidération systématique, si certains partis d’opposition ne sont pas tenus pour légitimes et que l’espoir d’accéder au gouvernement leur est fermé, si les lois et procédures permettant une alternance légale sont en quelque sorte contournées, où cela pourrait-il nous mener ?

Ces grands démocrates devraient se questionner : libre expression, y compris des citoyens, et juste représentativité des élus ont-elles été vraiment respectées dans ces élections ? Les sauveurs de la démocratie s’avèrent ses fossoyeurs. Comme des enfants, ils ont joué (avec le feu), ils ont perdu, en voulant à toute force faire perdre "le grand méchant loup". Ils ont agité l’épouvantail, ont "crié au loup" comme l’enfant de la fable d’Ésope datée du VIe siècle av. J.-C. (avant Jésus-Christ). Comme quoi, dès l’Antiquité, l’on savait le danger du mensonge qui trompe, divise et nuit.

Ces grands démocrates doutent-ils en fait de la solidité de nos institutions ? Car à voir leurs (ré)actions, l’on serait presque tenté de croire qu’on peut en faire ce qu’on veut, et eux y compris. Les résultats des élections sont tombés, de même en interne à l’Assemblée nationale, et qu’a fait le "grand loup noir" ? S’est-il écrié comme dans le conte des Trois Petits Cochons : « je vais m’enfler et souffler et la maison défoncer » ? Non. Mais désigne-t-on ceux qui sapent les fondations de la Maison du peuple (que devrait être l’Assemblée nationale) et de la Maison France ?

Ces grands démocrates, maintenant que tout le monde a perdu, crient de nouveau au loup (plus petit mais autrement plus méchant), mais tout ce que gagnent les menteurs, c’est de n’être plus crus, même s’ils disent la vérité. "Nous ou le chaos" suggéraient-ils. Résultat : eux et le chaos. Les "bonnes consciences" donnent des "leçons de maintien" mais pataugent dans le marigot politic(h)ien. Que se sont-elles empêchées ? Devenir grands, c’est peut-être ce que le peuple français souhaiterait pour nos démocrates en culottes courtes. Car à défaut de changement, le pire, c’est peut-être maintenant.

11/07/2024

Vous avez dit extrême droite ?

A en croire une partie des "influenceurs" ou se voulant tels, le Rassemblement National (RN), Reconquête, Debout la France, Les Patriotes… et même l’aile droite des Républicains seraient d’extrême droite, ce qui peu ou prou équivaudrait à considérer qu’autour de 45 % des électeurs français qui se déplacent pour voter, seraient d’extrême droite. Rien que cette dernière remarque devrait faire douter ceux qui profèrent de tels propos, relayés ou repris complaisamment par tous les "idiots utiles" qui, pas une fois, ne pensent à interroger cette notion d’extrême droite.

Pour ceux qui auraient quelques souvenirs de leurs cours d’histoire ou d’éducation civique, pour ceux qui seraient un minimum informés de l’historique de l’extrême droite, ils n’apprendront rien de ce simple rappel. Deux articles de deux sites qui font référence, celui d’Encyclopædia Universalis, l’encyclopédie en ligne, et celui de Perspective Monde, de l’Université de Sherbrooke au Canada (Québec) qui est un outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, abordent cette appellation d’extrême droite, réservée aux néonazis et aux néofascistes avant de s’étendre.

En effet, pour en rester à l’histoire récente, nous dit le premier site, « Ce n’est qu’après 1945 que le terme "extrême droite" entrera dans le langage courant, pour désigner les formations politiques nationalistes, autoritaires et xénophobes : le parti de Pierre Poujade ; le mouvement Jeune Nation et, par extension, les partisans de l’Algérie française qui choisiront la voie de l’action violente, au sein de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Il est utilisé dès le départ pour décrire l’idéologie du Front national, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972 ».

Il ajoute qu’« il y avait quelque vraisemblance à cette étiquette. D’une part parce que le FN était le seul parti politique à proposer l’inversion des flux migratoires et même, à un moment, le retrait des naturalisations accordées depuis 1962. D’autre part parce que, jusqu’aux législatives de 1978 incluses, il investissait des candidats appartenant à des groupuscules nationalistes révolutionnaires et néonazis ». Perspective Monde confirme qu’« historiquement », cette « appellation » était « donnée aux mouvements et aux partis politiques qui prônaient l’instauration d’un régime de type fasciste (…) ».

Mais Perspective Monde poursuit : « capable de faire échec au socialisme et au communisme », et il faut le souligner expressément avant de donner les autres caractéristiques de l’extrême droite : « opposée aux principes de la démocratie » et « considérant comme légitime l’emploi de la violence » en utilisant « des voies autoritaires, voire terroristes, pour défendre » ses « idées ». Donc, répétons-le, cette idéologie était limitée dans un premier temps aux régimes politiques de Benito Mussolini en Italie et d’Adolph Hitler en Allemagne.

Ce n’est que plus tard et progressivement que cette idéologie a été associée à des courants ou mouvements monarchistes, religieux traditionnalistes, fondamentalistes… et des partis souverainistes, populistes ou nationalistes, sous l’impulsion, comme de bien entendu, des socialistes et des communistes. Jusqu’à banaliser, disons-le tout net, les caractères extrêmes de ces régimes nazi ou fasciste, mais aussi, en focalisant sur ceux-ci, jusqu’à banaliser ou plus précisément jusqu’à faire accepter ou faire oublier ceux des régimes communistes d’hier comme d’aujourd’hui. Car le totalitarisme marxiste-léniniste ou communiste n’est ni du passé ni dépassé ni fantasmé, il est toujours actuel.

Concernant donc l’expression "extrême droite", l’encyclopédie en ligne note que « Son ambiguïté fondamentale est qu’elle est généralement utilisée par les adversaires politiques de l’extrême droite comme une expression stigmatisante, censée renvoyer toutes les formes du nationalisme populiste et xénophobe aux expériences historiques que furent le fascisme italien et le national-socialisme allemand, ou bien, dans le cas français, à une hypothétique filiation directe avec les ligues des années 1930 et la collaboration ou le régime de Vichy ».

« Dans la France contemporaine, il n’est pratiquement jamais assumé par ceux qui en relèvent, qui préfèrent se désigner, à l’instar du RN/FN, par les appellations de "mouvement national" ou de "droite nationale". En 1996 déjà, le FN envoyait à la presse un communiqué protestant contre l’étiquette d’extrême droite qui lui était accolée, expliquant que l’extrême droite signifiait "le refus de la démocratie et des élections, l’appel à la violence, le racisme et la volonté d’installer le parti unique" qui, effectivement, ne figuraient pas dans son programme. »

Bien sûr, socialistes et communistes et même « la droite politique » n’en ont pas tenu compte et ont continué à le dénommer extrême droite, de même que beaucoup ont continué à dire "Front National" plutôt que "Rassemblement National" depuis 2018, dans le but de le discréditer ou de le décrédibiliser. Perspective Monde avance qu’« on peut démarquer l’extrême droite de la droite politique dans la mesure où cette dernière ne remet pas en question les principes du capitalisme et du libéralisme », ce qui devrait nous amener à considérer le RN comme le RPR d’origine (Rassemblement pour la République) ou une droite populaire.

Comme lui, le RN adhère au modèle de la démocratie libérale et à la Ve République en sa Constitution. Mais rappeler « la souveraineté nationale » qui pourtant « appartient au peuple » devient du souverainisme, rappeler « l’indépendance nationale » dont « le Président de la République est le garant » devient du nationalisme, rappeler que le « principe » de la République « est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » devient du populisme, rappeler « l’égalité devant la loi de tous les citoyens » qui ont des droits, des garanties et des devoirs spécifiques pouvant leur donner des préférences ou avantages, des priorités et des obligations, ou rappeler que la sûreté est un droit fondamental comme la vie et la liberté devient du fascisme.

Pourtant, l’extrême droite existe bien. Concrètement, c’est une cinquantaine de groupuscules totalisant 3000 adhérents environ, parfaitement identifiés, voilà l’extrême droite en France. Réservons donc ce terme à ces extrémistes plutôt que de se donner le ridicule d’utiliser le terme d’ultra-droite, censé caractériser « l’extrême droite radicale » (sic). Comme la devise de ce grand dadais de Buzz l’Éclair, « Vers l’infini, et au-delà ! », des nigauds ou des "adroits" de gauche et de droite sautent sur leur chaise comme des cabris en criant : "Vers l’extrême droite, et au-delà !" en pointant du doigt tous les "Zurg" de carton-pâte qu’ils se créent, ces "ennemis imaginaires" qui sont autant de joujoux en plastoc bien utiles pour faire semblant.

Au fond, il y a toujours "plus à droite" ou "trop à droite", toujours plus infréquentable, méprisable, détestable, ignoble, abject…, « immonde » comme « la bête ». « L’abomination de la désolation. » Mais interrogeons-nous. D’où vient aujourd’hui le refus du verdict des urnes et donc de la démocratie ? D’où viennent la violence et même le terrorisme, y compris intellectuel ? D’où viennent le racisme et cette racisation qui fait des racisés, c’est-à-dire des non-blancs, les seules victimes de racisme, évidemment de la part des seuls blancs ? D’où vient la volonté d’hégémonie politique à défaut de parti unique ?

Et puis, puisque chez des "bien-pensants", l’extrême droite commencerait dès Les Républicains, en tout cas certain d’entre eux, où commencerait donc l’extrême gauche ? L’extrême droite se référant au nazisme, se pourrait-il que cette extrême gauche commence au communisme, originaire du socialisme et du marxisme, et qui constitue l’autre totalitarisme du XXe siècle ? Elle engloberait alors La France insoumise, Lutte ouvrière, le Nouveau Parti anticapitaliste… Vu le passé du communisme (cf. encadré), ce qui frappe, c’est que ce nom ne soit pas frappé d’opprobre comme le nazisme ou le fascisme et qu’il soit même encore conservé, utilisé et assumé.

L’absence de honte révèle une indifférence, au nom de la cause, pour l’injustice, pour la souffrance, pour l’oppression, indifférence qui est fruit également d’une tolérance sans limites, donc également envers l’intolérance et l’intolérable. Où trouve-t-on aujourd’hui l’intransigeance, le sectarisme, le fanatisme ? Refuser le débat et refuser les résultats du scrutin en démocratie, et y répondre par la violence, revient à se mettre hors la loi. C’est là que se situe l’extrémisme. C’est là que se situe le danger pour la liberté, pour la paix voire pour la survie d’un pays.

 

 

Souvenir d'Octobres rouges

Nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas. Les livres sont là qui décrivent par le menu ce que furent les différents régimes communistes sous toutes les latitudes. Certains de ces ouvrages ont d'ailleurs provoqué des réactions de la part de ceux qui ne mobilisent leur mémoire que sur l'horreur nazie. Amnésie curieuse qui est autant une faute historique qu'une offense à toutes les victimes.

Le passé d'une illusion de François Furet en 1995 et plus encore Le livre noir du communisme en 1997 (pour les plus connus) sont revenus sur cette page d'histoire qui n'en finit pas de se tourner, tant l'on refuse ici et là d'admettre la réalité, de regarder la vérité historique en face. Mais les faits sont tenaces : quel que soit le pays, le communisme au pouvoir a semé mort et désolation.

Ainsi dès 1917 en Russie, rappelait Jean Sévillia dans son livre Le terrorisme intellectuel, de 1945 à nos jours paru chez Perrin en 2000, Lénine surnomme le commissariat à la Justice «commissariat à l'extermination sociale», les bolcheviques gazent les paysans rebelles, affament la région de la Volga (5 millions de morts), puis l'Ukraine (5 à 6 millions de victimes).

Le bilan général du communisme est ainsi par ses dimensions à peine croyable : 20 millions de morts en URSS, 65 millions en Chine, 6,5 millions en Asie, 1 million en Europe de l'Est, 1,7 million en Afrique, 150 000 en Amérique latine. Soit au total près de cent millions d'êtres humains rayés de la planète au nom d'une idéologie censée vouloir le bonheur du peuple, mais malgré lui.

Le nazisme et le communisme sont des frères siamois dont l’un, sous diverses formes, survit encore en Chine, en Corée du Nord… Ce qui les relie : concentration des pouvoirs, culte du chef, parti unique, propagande continuelle, mobilisation des masses, contrôle policier, répression, élimination de catégories de population, embrigadement de la jeunesse, haine des valeurs anciennes et de toute religion...

Pour autant, si le nazisme utilisa l'expropriation, les camps de concentration, les massacres planifiés, la déportation et les camps d'extermination, le bolchevisme ne fit pas appel à ces derniers mais ajouta l'exécution judiciaire de personnes innocentes et la famine organisée. Ce devoir de mémoire dû au génocide juif, unique par son aspect "industriel", les suppliciés du communisme y ont droit aussi.

 

 

L'heure de la "reprise en main" ?

Peut-on émettre l'hypothèse comme l'historien Jacques Bainville que «(...) l'anarchie engendre des Césars» ? «L'attachement populaire à l’"ordre"», souligné par Jacques Marseille dans son livre Du bon usage de la guerre civile en France aux éditions Perrin, est trop souvent négligé par les politologues. «(...) La chienlit, non» pourrait dire le peuple en paraphrasant le général de Gaulle. Mais de là à dire « La réforme, oui »..., il y a loin.

Car le besoin de sécurité est immense alors que se développe un "capitalisme sauvage" et que «(...) l'humanité est à nouveau guettée par» L'ensauvagement (titre d'un ouvrage de Thérèse Delpech paru chez Grasset). La civilisation accouchant d'une double sauvagerie : l'une fondée sur le profit, l'autre sur le dépit. La masse grandissante des exclus, des déclassés formant comme un épouvantail pour ceux encore "dans le bain".

Notre société de plus en plus inégalitaire inspire la peur, donc la violence. La libéralisation de l'économie avec son «Laisser faire (les hommes), laisser passer (les marchandises)» s'est accompagnée - comme une compensation peut-être - de la libéralisation des mœurs. Mais les idées libérales, les idées larges, la tolérance se sont combinées et dans leurs excès ont mené notre société du "laisser aller" au "laisser-aller" (avec trait d'union).

A "laisser évoluer sans intervenir", à "laisser courir", on en arrive à une "absence de soin", une "négligence", un "relâchement" tendant à se généraliser. Et ce laxisme engendre l'anarchie : "Désordre résultant d'une absence ou d'une carence d'autorité" ou "Confusion due à l'absence de règles ou d'ordres précis". Mendès France disait par exemple que «Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent».

Et de fait en maint endroit de notre société, le refus de règles communes, les résistances à l'autorité se développent, par le fait même que nombre de règles n'ont plus été appliquées, respectées ou rappelées, et que nombre d'autorités se sont dérobées à leurs obligations, ont manqué à leurs tâches, à leur devoir. Leur abstention, leur impuissance, leur inaction par souci de tranquillité, faisant le lit de l'inquiétude et de l'agitation.

"C'est l'anarchie" là où l'on n'en fait qu'à sa tête, là où il n'y a plus personne "à la tête" ; et dans les secteurs aux développements incontrôlés, désordonnés. Cette sorte de "vacance du pouvoir" ne peut plus durer. "Laisser les choses en l'état" conduit à la sclérose. Il faut "remettre de l'ordre". L'heure est peut-être aux "mains de fer" avec ou sans gants, concevant, inspirant, dirigeant et commandant, y compris et surtout aux événements*.

* Cf. Winston Churchill : «Il faut prendre l'événement par la main avant d'être saisi par lui à la gorge».

29/05/2024

Querelle byzantine et de clocher

"Les martyrs du vrai catholicisme" semblent avoir leur porte-parole médiatique en la personne du père Danziec, pseudonyme d’un vrai prêtre de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (ICRSP). Il faut l’entendre vanter les mérites de la messe traditionnelle dans les colonnes du magazine Valeurs Actuelles (n°4564 du 16 au 22 mai 2024), qu’il apparente à « un bain de beauté », sous-entendu : contrairement à l’autre, la messe courante, pour ne pas dire banale voire quelconque, médiocre ou vulgaire. Et ce, en pleine déchristianisation avancée et même peut-être terminale.

Un prêtre catholique se paie donc le luxe de semer une nouvelle fois la discorde en se posant en victime, mais "victime" surtout de son sentiment de supériorité, très partagé dans ce courant. Opposer la messe selon le rite ordinaire d’après le concile Vatican II à la messe traditionnelle "dans la forme extraordinaire du rite romain", dite aussi "tridentine" ou "saint Pie V" ou "selon le missel de 1962", et considérée comme "la messe de toujours" et quelque part comme la seule messe authentique ou la seule messe qui vaille et même la seule messe valable, c’est rompre l’unité et tromper les fidèles.

 « Bain de jeunesse liturgique retrouvée », « océan de beauté oubliée », « verticalité de la liturgie traditionnelle », « développement imperturbable de l’écosystème traditionnel », « mépris dont il est l’objet de la part de nombre d’évêques », « institution ecclésiale qui se refuse à voir l’étendue de l’effondrement », « univers traditionnel dynamique mais déconsidéré, quand il n’est pas décrié », « (…) blessure de millions de catholiques déboussolés devant les ruptures qui se sont produites d’une façon éhontée à la suite du concile Vatican II », n’en jetez plus ! La coupe est pleine, pleine de dramatisation et d’enflure, d’outrances et d'outrecuidance, de mauvaise foi et d’orgueil.

Que des prêtres et des fidèles n’aient pas lu ou compris les textes de Vatican II à l’époque, c’est l’évidence. Que l’application qui s’en est suivie dans la liturgie ait été erronée ou fautive dans maints endroits et à des degrés divers, c’est tout aussi évident. Mais il faut dire la vérité : par rapport à celui de saint Pie V, c’est le missel de saint Paul VI qui effectue un retour aux sources et aux traditions les plus anciennes, en puisant notamment dans les sacramentaires romains du premier millénaire, en transposant des prières antiques avec les trois nouvelles prières eucharistiques, en rétablissant la concélébration attestée dès l’Antiquité chrétienne, etc.

Et puis le missel de saint Pie V ou missel tridentin (du concile de Trente), s’il date de 1569, ne s’est jamais généralisé, si bien qu’au début du XIXe siècle, la diversité était encore la règle. Avec le jansénisme et le gallicanisme, chaque diocèse français avait même sa propre liturgie. Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle (à partir de 1840 environ) pour que, sous l’influence de Dom Guéranger, l’uniformisation s’impose enfin progressivement. Ce qui fait que "la messe de toujours" date en fait de 170 ans tout au plus, donc finalement de même pas deux siècles.

Le missel de saint Paul VI ou de Vatican II est en fait complètement dans la continuité de la liturgie antérieure. Comme souvent, le concile Vatican II a bon dos. Vous connaissez peut-être la plaisanterie : quelle est la différence entre un liturgiste et un terroriste ? Réponse : avec un terroriste au moins on peut négocier. Il serait bon que tout le monde fasse preuve de « lucidité », d’« humilité » et de « courage », ces « qualités essentielles (…) nécessaires pour l’autorité » selon le père Danziec. La messe selon le rite ordinaire d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle dévoyée pratiquée dans nombre de paroisses après Vatican II. Et la messe traditionnelle, ni plus belle, ni plus verticale, ne lui est pas supérieure.