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08/11/2024

Trump l’incorrect préféré à Harris "politiquement correcte"

Le mot "fascisme" est lié à celui de "totalitarisme", soit, nous dit Le Petit Robert : un « régime à parti unique, n’admettant aucune opposition organisée, dans lequel le pouvoir politique dirige souverainement et tend à confisquer la totalité des activités de la société qu’il domine ». Il faut donc raison garder : l’hégémonie d’un parti ou d’un pouvoir politique n’est pas pour demain aux États-Unis où triomphent le libéralisme et l’individualisme. Et puis l’opposition semble parfaitement organisée contre Donald Trump. Mais cela n’a pas suffi. Une majorité d’Américains, pourtant très au fait des multiples abus et délits dont il s’est rendu coupable, l’ont préféré à Kamala Harris. Peut-être tout simplement l’ont-ils considérée comme plus dangereuse ?

Peut-on émettre l’hypothèse comme l’historien Jacques Bainville que « (…) l’anarchie engendre des Césars » ? « L’attachement populaire à l’"ordre" », souligné par Jacques Marseille dans son livre Du bon usage de la guerre civile en France aux éditions Perrin, est trop souvent négligé par les politologues. « (…) La chienlit, non » pourrait dire le peuple en paraphrasant le général de Gaulle. Et Kamala Harris et les Démocrates ont peut-être été jugés coupables de saper les fondements de la démocratie américaine, notamment avec leur "progressisme" abusif qui a pu conduire à semer la division, la désunion. « C’est la dose qui fait le poison. » Et c’est pareil pour la libéralisation économique, la précarité dans l’existence ou les flux migratoires.

Un "César" a donc été élu démocratiquement, comme il y a huit ans. Il a le visage rassurant de celui qui l’a déjà été. Il a le visage déterminé de celui qui va à contre-courant. Il a le visage inquiétant de celui qui semble capable de tout. Mais comme dans toute démocratie libérale, son pouvoir est limité. Les mêmes (institutions politiques et contre-pouvoirs) qui ont tout fait pour qu’il ne soit pas élu, le modéreront en évitant, il faut l’espérer, de tout faire pour qu’il échoue. Et peut-être les Démocrates s’interrogeront-ils sur ce que veut la majorité au lieu d’être obnubilés par les minorités ou pire, de tenter de rééduquer cette majorité (comme dans tout bon régime fasciste). Revenir au principe de la démocratie représentative qu’est la majorité, ne peut pas vraiment faire de tort, si tant est qu’on soit démocrate.

03/11/2024

Un homme qui n'est plus "habité"

Il est un livre signé David Riesman, qui avait eu un succès considérable à sa parution et dont le titre évocateur est La Foule solitaire, anatomie de la société moderne. Philippe Breton, alors sociologue, chercheur au CNRS et enseignant à la Sorbonne, y faisait référence dans son ouvrage La Parole manipulée paru aux éditions La Découverte en 1997. Il y relevait que le sociologue américain avait vu dès les années cinquante l'apparition d'un "homme d'une espèce nouvelle".

«(...) Il oppose l'individu traditionnel, "intra-déterminé", à l'homme moderne "extro-déterminé". Celui-ci ne dispose plus, pour reprendre les métaphores de Riesman, d'un "gyroscope intérieur", réglé par sa famille et son groupe social, et qui lui sert de guide de comportement défini a priori, mais plutôt d'un "radar" qui lui permet de traiter l'information reçue de l'extérieur et de s'y adapter d'une façon assez conformiste.

«L'individu extro-déterminé a un comportement presque entièrement influencé par l'extérieur, ce que pensent les autres, le jugement des "gens qui comptent". C'est un être entièrement social, réagissant aux réactions d'autrui, qui est loin de considérer comme une entrave à sa liberté toutes les incitations qu'il reçoit du monde environnant. Au contraire, il a tendance à considérer celles-ci avec soulagement (...).»

Car ainsi "au courant", l'individu peut s'orienter et agir en conséquence. "Un homme averti en vaut deux." "Branché", "Câblé", il reste en phase avec son temps. "A la page", il adopte "la marche à suivre" afin d'obtenir ce qu'il veut ; et toujours "regarde de quel côté souffle le vent" pour rester "dans le vent". De ce fait, Philippe Breton décrivait «l'homme moderne de la société de communication, comme un "être sans intérieur" (...)».

Ouvert aux quatre vents, il n'a plus d'ancrage. Il flotte au gré des flots, tourne à tous les vents ou prend le chemin signalé par des phares et balises, sa boussole interne déréglée. Hors service la coutume ("habitude collective d'agir, transmise de génération en génération") et la morale ("ensemble des règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue") qui avaient l'inconvénient de s'opposer au changement.

La coutume a été remplacée par l'attrait pour la nouveauté qui permet la consommation. Les usages se sont inclinés devant l'utilité et l'efficacité. Il n'y a plus de morale, il n'y a que des circonstances auxquelles il faut s'adapter et dont il faut profiter. Les "Tout ce qui peut être fait, doit être fait" ont succédé aux "Cela ne se fait pas". Et comme le caméléon se fond dans son milieu, l'individu se fond dans la foule. Tournant sur lui-même et accompagnant le mouvement.

03/10/2024

Plus jamais ça !

« La première question, je vais simplement y répondre en vous disant l’émotion de toute la Nation et [pause] je crois de tous les Franç… toutes les Françaises et de tous les Français devant [pause] ce crime odieux et atroce, et la douleur de toute une famille, qu’il faut respecter, accompagner, et évidemment la justice fera son travail, évidemment les services de l’État feront le leur mais [pause] je serai avant tout et simplement dans l’expression de cette solidarité et de cette affection de la Nation. Pour le reste, le gouvernement fait son travail, chaque ministre dans ses compétences, et [pause] il faut chaque jour mieux protéger les Français, mais le faire [pause], le faire, le faire [pause] et moins dire [pause], voilà. »

C’est cinq jours après la découverte du corps de Philippine à moitié enterré dans le bois de Boulogne, qu’Emmanuel Macron en déplacement au Canada se décide à prendre la parole en répondant à une question d’un journaliste en conférence de presse. Cinq jours au cours desquels chacun a pu mesurer l’horreur du crime commis par un homme de 22 ans sortant de prison pour viol, en attente d’expulsion pour le Maroc, libéré de son centre de rétention administrative et récidivant dans la foulée jusqu’à l’assassinat ou au meurtre de cette femme au printemps de sa vie, de cette jeune fille lumineuse que tous les parents du monde auraient aimé avoir pour enfant. La cathédrale de Versailles allait l’accueillir pour son mariage avec Thibault, elle l’a accueillie pour un "À Dieu" poignant, dans la souffrance et l’Espérance.

Alors, les mots du Président de la République sont bien pauvres pour dire cette vie fauchée, cette famille brisée, cette mort révoltante. On aurait aimé qu’il s’écrie : "Nous pleurons avec ceux qui pleurent, mais passé le temps des larmes, plus jamais ça !" ; mais à la place, des intonations et des hésitations sonnant faux et juste l’impression d’une émotion surjouée. C’est d’ailleurs le premier mot qui lui vient : « l’émotion », celle « de toute la Nation », enfin, il n’en est pas sûr : « je crois, ajoute-t-il, de tous les Français », avant de se reprendre : « de toutes les Françaises et de tous les Français ». Ouf ! il avait failli utiliser le masculin comme neutre ; il y a des choses qui sont graves tout de même. Heureusement, il l’affirme : « évidemment la justice fera son travail, évidemment les services de l’État feront le leur » et un peu loin, « le gouvernement fait son travail ».

« Évidemment » répété deux fois, « fera ou fait son travail, feront le leur » trois fois, comme une incantation pour déjouer le sort, ou pour s’en ou nous en persuader peut-être ? Car, est-il évident que la justice, les services de l’État et le gouvernement ont fait, font ou feront leur travail ? Enfin, pour conclure, il exprime le besoin ou la nécessité ou l’obligation de « chaque jour mieux (et non pas "bien") protéger les Français » (ce qui souligne une insuffisance et lui fait oublier au passage les "Françaises" et "toutes et tous"…, sans doute l’émotion), comme il avait parlé auparavant de « la douleur de toute une famille, qu’il faut respecter, accompagner ». « Il faut chaque jour mieux protéger les Français mais le faire », et ce « mais » (souvent absent des transcriptions et des citations ou remplacer par "et") avec « le faire », est suivi d’un silence. Hésitation sur un mot, entre deux mots… ?

Emmanuel Macron poursuit en répétant « le faire, le faire » pour terminer par « et moins dire », ce qui pourrait passer pour un aveu, une confession. La conjonction "mais" peut introduire une précision, une restriction, une correction voire une idée contraire ou une objection, mais là rien de tout cela, juste « le faire ». Simple hypothèse : et si Emmanuel Macron avait voulu dire par exemple "avec humanité" et qu’il s’était arrêté à temps. La phrase deviendrait alors : "Il faut chaque jour mieux protéger les Français mais le faire avec humanité" ou "avec compréhension" ou "avec responsabilité" voire "avec bienveillance". On pense à l’épouse du gendarme Éric Comyn : « La France a tué mon mari par son insuffisance, par son laxisme et son excès de tolérance ».

La Président de la République aurait pu dire "avec fermeté", "avec vigueur", ce qui aurait dénoté une détermination, une résolution, et une certaine autorité. Mais "avec fermeté", cela veut dire "sans transiger", on peut toujours rêver après des décennies de concessions, d’accommodements, d’arrangements, de compromis, de compromissions. Et puis, on oppose toujours la fermeté à l’humanité et l’exigence ou l’excellence à la bienveillance, alors qu’elles peuvent aller ensemble. "Humanité" ou "bienveillance" sont trop souvent l’autre nom de la paresse, de la faiblesse, de la démission, de la capitulation. La résignation et l’abandon ne sont plus acceptables, que ce soit à l’école, dans les familles, dans la société…, ou au sein de la justice, des services de l’État, du gouvernement…

"Faire le malheur de ceux qu’on aime" (ou qu’on dit aimer), voilà où nous en sommes dans maints endroits en France, avec des "responsables" parfois "hauts" qui ne sont jamais responsables que de "ce qui va". Ce qui ne va pas, ce sont les nôtres, en particulier nos femmes, nos enfants, dévisagés, toisés, bafoués, insultés, humiliés, poursuivis, brusqués, frappés, violentés, tués voire massacrés. Ce qui ne va pas, c’est que la priorité n’est pas de protéger. Ce qui ne va pas, c’est que considérer cela insupportable, inadmissible, vous rend suspect. Ce qui ne va pas, c’est que « toute la Nation », « toutes les Françaises » et « tous les Français » n’ont pas été émus du martyre de Philippine et n’ont pas respecté ou accompagné « la douleur de toute une famille ». Ce qui ne va pas, ce sont ceux, pardon celles et ceux qui veulent faire l’ange et qui font la bête, ce sont ces « (…) vertus chrétiennes devenues folles (…) » (Chesterton).

L’amour ou la charité certes, mais avec la justice, la prudence et la force. L’accueil inconditionnel, illimité, le respect de la différence, intégral, l’acceptation de l’autre tel qu’il est, sans réserve, conduisent à l’aveuglement et au fanatisme. Il faut retrouver la raison, loin d’idées et théories vagues ou d’une vague émotion.