02/02/2023
Hannah Arendt ou l'éveil des consciences
Un nom revient souvent dans l'actualité, celui d'Hannah Arendt. Mais qui est-elle au fait ? Née en 1906 à Hanovre, cette Allemande de confession juive est l'élève des philosophes Karl Jaspers et Martin Heidegger. Elle fuit le nazisme en 1934 et s'installe en 1941 aux Etats-Unis. Elle y rédige en particulier Les Origines du totalitarisme en 1951 et Condition de l'homme moderne en 1958. Elle meurt à New York en 1975.
Si l'on en croit le dictionnaire, en l'occurrence Le Petit Larousse, le totalitarisme est un «système politique caractérisé par la soumission complète des existences individuelles à un ordre collectif que fait régner un pouvoir dictatorial». Le Petit Robert ajoute que ce pouvoir «dirige souverainement et même tend à confisquer la totalité des activités de la société qu'il domine». D'où le mot totalitaire rattaché à Etat ou régime.
«La fusion des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, l'existence d'un parti unique, la diffusion d'une idéologie hégémonique, la mobilisation des masses, le contrôle policier, la répression, l'élimination des catégories de la population désignées comme boucs émissaires sont des traits partagés par les régimes totalitaires, dont l'étude a été développée notamment par Hannah Arendt (...)» dans Les Origines du totalitarisme.
Elle y souligne les similitudes du nazisme et du stalinisme. D'où quelques vagues qui se transforment en déferlantes quand Hannah Arendt publie en 1963 Eichmann à Jérusalem. Dans ce livre en effet, la philosophe américaine soutient que cet officier SS qui joua un rôle capital dans la déportation et l'extermination des Juifs, n'était qu'un misérable exécutant, sorte d'âme damnée ou de zélateur fanatique, et non le monstre dépeint, sorte d'incarnation du mal ou d'être démoniaque.
Face au mal absolu, Hannah Arendt oppose la «banalité du mal». Un mal qu'on peut estimer en puissance en chaque être humain et qui "ne demande qu'à" s'exprimer (bien sûr à des degrés divers) ; question de circonstances. En ce sens, cette penseuse n'invente rien, puisque depuis 2000 ans une prière chrétienne implore : «Notre Père qui es aux cieux (...), délivre-nous du mal», et le savant, penseur et écrivain français Blaise Pascal le reconnaissait : «Nous sommes pleins de mal».
Mais la formule d'Hannah Arendt suggère également que chacun peut devenir un agent dévoué, y compris à une fonction de dirigeant ou de décisionnaire, capable d'appliquer les directives ou de suivre les logiques les plus inhumaines, sans animosité même envers les victimes mais aussi sans scrupules. Voilà bien le scandale Hannah Arendt : avoir montré le peu de poids de la morale, grâce notamment à la sujétion et au conditionnement des individus, et tout le profit qu'un pouvoir peut en tirer.
18:09 Publié dans Mal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hannah arendt, élève de karl jaspers et martin heidegger, nazisme, les origines du totalitarisme, condition de l'homme moderne, soumission, ordre collectif, pouvoir dictatorial, totalitaire, stalinisme, eichmann à jérusalem, officier ss, déportation et extermination des juifs, exécutant, monstre, incarnation du mal, mal absolu, banalité du mal, mal en puissance, prière du notre père, blaise pascal, agent dévoué, dirigeant, décisionnaire, directives, logiques, sans animosité, victimes, sans scrupules, morale, sujétion, conditionnement, profit, pouvoir | Facebook |
05/01/2023
La Traviata ou la beauté du sacrifice
Quand en janvier 1901 meurt Giuseppe Verdi à l'âge de 88 ans, l'Italie est en deuil. Deux cérémonies réunissent à Milan 200.000 et 300.000 personnes autour de son cercueil.
En fait, il était déjà mort une fois lors de la disparition sur une année de sa première femme et de ses deux enfants. Nabucco, son troisième opéra en 1842 et son premier grand succès, ainsi que sa rencontre avec la cantatrice Giuseppina Strepponi le ressuscitèrent artistiquement et humainement. Puis, entre 1851 et 1853 viennent Rigoletto, La Traviata, Le Trouvère. Suivront Don Carlos, Aïda, Otello, Falstaff... Vingt-huit opéras en tout.
Pour le centenaire de sa mort, il y a plus de vingt ans, les meilleurs enregistrements étaient ressortis. Parmi ceux-ci La Traviata, cet opéra en trois actes qui met en scène Violetta Valéry, Alfredo et Giorgio Germont, et qui confirme cette observation humoristique résumant tout opéra à l’histoire de l’amour entre la soprano et le ténor contrarié par le baryton.
Chez EMI Classics, un enregistrement en public réalisé en 1958 à Lisbonne permet d'entendre Maria Callas entourée d'Alfredo Kraus et Mario Sereni. Franco Ghione y dirige les chœurs et l'orchestre symphonique du Théâtre national de Sâo Carlos.
La bande radio de la retransmission de cette représentation présente des imperfections ; pourtant le charme agit. Peut-être est-ce l'émotion suscitée par la voix de "La Callas" qui transcende les faiblesses techniques ? Elle y chante le rôle-titre pour la 55e fois sur 63 au total : Violetta, vibrante d'amour et de foi, mais déchirée entre ses sentiments et sa soumission aux convenances.
L’intrigue inspirée de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils permet à Verdi de composer des airs romantiques qui, une fois écoutés, ne vous quittent plus. Le prélude du premier acte joue ainsi sur les cordes sensibles. Trois thèmes, la fête, l'amour et la mort, se développent autour du sujet central du livret de Francesco Maria Piave : le sacrifice.
Et s'il ne fallait retenir que quelques mots, ce serait les dernières paroles de Violetta faisant ses adieux à Alfredo : «Si une jeune fille, dans le printemps de sa vie, te faisait don de son cœur, épouse-la... je l'exige. Donne-lui ce portrait, et dis-lui qu'il est le don de celle qui, au ciel, parmi les anges, prie pour elle et pour toi».
Post-scriptum
Verdi meurt donc au début du XXème siècle. Seize ans plus tôt en France, ce sont 1 million de personnes qui s'inclinèrent devant la dépouille de Victor Hugo. Un grand compositeur de musique lyrique, un grand écrivain, tous deux un temps parlementaires, tous deux épris d'humanisme et de romantisme, de liberté et de justice, de Beau et de Bien. Un gros siècle plus tard, c'est la mort d'un chanteur de variétés ou d'un footballeur qui fait descendre les foules dans la rue. Que sont devenus la grande musique et la littérature, l'amour et la foi, la fête et la mort ? Et l'humanisme et le romantisme ? Et la liberté et la justice ? Et le Beau et le Bien ? Et l'esprit de sacrifice ? Sommes-nous déchirés entre nos sentiments et notre soumission aux convenances ? Pour qui ou pour quoi pourrions-nous nous sacrifier ou faire des sacrifices ?
14:54 Publié dans Sacrifice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : giuseppe verdi, italie, milan, opéra, maria callas, amour, foi, sentiments, soumission aux convenances, la dame aux camélias, alexandre dumas, fête, mort, sacrifice, victor hugo, compositeur de musique lyrique, écrivain, humanisme, romantisme, liberté, justice, le beau, le bien, chanteur de variétés, footballeur, grande musique, littérature, esprit de sacrifice, se sacrifier, faire des sacrifices | Facebook |
12/11/2022
La paix !
Au lendemain du 11 Novembre, que peut-on souhaiter de plus important que la paix ? Et d'abord, parce que la mort a saisi beaucoup de nos compatriotes ces dernières années et durant l'histoire, souhaitons que tous nos défunts "reposent en paix". "Paix à leurs cendres !" s'exclamait-on encore il n'y a pas si longtemps. Et si certains pensent qu’"il faut laisser les morts en paix", ne pas parler d'eux, d'autres parlent en mémoire d'eux.
Se souvenir de ceux qui sont passés, c'est un peu les faire revenir à la vie, juste le temps d'une pensée. Présents à l'esprit. Les cérémonies ne manquent pas, ces commémorations destinées davantage aux vivants qu'aux morts, où se pressent des officiels venus effectuer ce que Flaubert décrivait si bien : «L'oblique génuflexion des dévots pressés». "Rappeler le souvenir" ne doit pas revenir à battre le rappel des troupes.
Devant les monuments, les plaques..., il n'y a ni victoire ni défaite. Il n'y a que la mort et la longue liste des vaincus, ces hommes broyés par la guerre et la folie de "Grandeurs" se croyant dépositaires de leur vie. Ces "Grandeurs" - les mêmes parfois - honorant ensuite la loyauté, le sens du devoir, la discipline et l'esprit de sacrifice de ces morts, pour mieux pouvoir réclamer ensuite aux vivants, aux petits, les mêmes vertus.
Souhaitons plutôt que s'instaure une paix véritable fondée sur la justice. Un monde sans guerre, est-ce une utopie ? Ce temps de paix ne pourra cependant advenir que si l'on cesse de "vouloir la paix" en paroles tout en "préparant la guerre" en actes. La "paix armée" n'est pas la paix. Cette dernière viendra d'un désarmement concerté des nations et de la création d'une force inter, multi et supranationale de maintien de la paix.
En outre, il y a l’"individu broyé par la société moderne", "empêché de vivre avec plénitude" du fait d'une autre guerre : économique. La paix, ce serait donc aussi un climat de concorde, de coopération plutôt que de méfiance, d'hostilité. "Vivre en paix", "Faire la paix" et renoncer à concourir, à concurrencer, à rivaliser, à lutter pour gagner, et finir par se perdre. Ne pas comparer. Ne se mesurer qu'à soi pour progresser.
"Avoir la paix", voilà donc peut-être notre vœu le plus cher. Arrêter de subir les contraintes, les pressions, les menaces, refuser l'agressivité, la brutalité, la violence, aspirer à la quiétude, à l'harmonie, à la fraternité. Et "Goûter une paix profonde", "Avoir la conscience en paix", loin du bruit, de l'agitation et du désordre. Question de volonté ? Oui, vouloir la paix et aller jusqu'à l'exiger : "La paix !", "Fichez-nous la paix !".
18:29 Publié dans Prières/Voeux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 11 novembre, défunts, reposer en paix, paix à leurs cendres, mémoire, se souvenir, cérémonies, commémorations, les vivants, les morts, les officiels, flaubert, monuments, plaques, victoire, défaite, vaincus, folie, loyauté, devoir, discipline, sacrifice, vertus, justice, vouloir la paix, paix armée, désarmement, nations, force de maintien de la paix, guerre économique, concorde, coopération, méfiance, hostilité, vivre en paix, faire la paix, concourir, concurrencer, rivaliser, lutter pour gagner, avoir la paix, contraintes, pressions, menaces, agressivité, brutalité, violence, quiétude, harmonie, fraternité | Facebook |