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09/02/2018

Cause toujours !

Soumis sans répit à une avalanche de nouvelles, annonces, déclarations, publications, rumeurs..., nous encaissons les coups. Comme des éponges, nous absorbons sans même nous en rendre compte les messages dont nous sommes les destinataires, que nous "régurgitons" à la demande sous forme d'opinions, de comportements, d'achats... Mais avons-nous notre mot à dire ?

Le mot "Formation" définit à la fois les moyens mis en œuvre pour éduquer intellectuellement et moralement un être humain, et les résultats obtenus. Il n'y a que dans des sociétés très avancées qu'il est possible de multiplier les moyens sans obtenir de résultats. Il est même envisageable de suivre une formation et d'en sortir déformé. Qui a dit que notre temps manquait de mystères ?

Le mot "Déformation" nous renvoie donc à la déficience éducative et culturelle d'un enseignement. Même si celui-ci conduit à une certaine instruction, une accumulation de connaissances qui induisent des savoir-faire, qu'en est-il du "savoir-être" et du savoir-vivre ? C'est quand il y a altération du jugement, du goût, du langage..., de la vérité..., que le mot "Déformation" prend toute sa signification.

Le mot "Information" est exigeant. Il faut entendre par là un renseignement, un fait que l'on porte à la connaissance du public. Une information est censée être exacte, claire, utile... Mais faute de formation, de courage, de temps ou de moyens... De plus, trop d'informations tuent l'information. Et puis l'information flirte souvent avec la communication, donc le commentaire, la publicité et la propagande.

Le mot "Désinformation" paraît alors plus approprié. Le Petit Robert la définit comme I'«utilisation des techniques de l'information (...), pour induire en erreur, cacher ou travestir les faits». Le Petit Larousse précise que cela consiste à «diffuser sciemment une ou plusieurs fausses informations donnant une image déformée ou mensongère de la réalité (...)». Nous voilà revenus à la déformation.

Notre société de communication serait ainsi composée de multiples "émetteurs" inondant de fausses informations - partielles et partiales (les vraies noyées dans la masse) - des "récepteurs" insuffisamment formés ou déformés, dont l'avis compte peu. Une boutade demande la différence entre la dictature et la démocratie. Réponse : la dictature, c'est «Ferme-la !» ; la démocratie : «Cause toujours !».

 

04/03/2014

La "dernière idéologie totalitaire"

"II ne changeait pas d'opinion, c'était l'opinion qui changeait en lui (...). D'ailleurs il n'avait pas choisi ses opinions (...), elles lui étaient venues automatiquement, tout comme, loin de choisir un chapeau ou un vêtement, il prenait (...) ce que tout le monde portait. Ainsi le libéralisme était devenu pour lui une habitude et il aimait son journal tout comme il aimait son cigare (...) - à cause de la légère brume qu'il produisait dans son cerveau."

Telle est la description d'un des personnages d'Anna Karénine, le roman de Tolstoï. Les sociologues David Riesman et Philippe Breton, à près de cinquante ans de distance, dans leurs essais respectifs intitulés La Foule solitaire, anatomie de la société moderne (Arthaud) et La Parole manipulée (Editions La Découverte), y voient les prémices de l'homme moderne. Cet homme qui croit disposer de lui-même alors qu'on dispose de lui.

Les changements au fond de lui se font "imperceptiblement et à son insu". Rien n'est imposé, tout est suggéré. Et finalement chacun en vient à faire comme tout le monde. «Dans un tel contexte, écrit Philippe Breton, c'est-à-dire une société qui réclame de ses membres une extrême socialisation, la manipulation (...) renforce les tendances au conformisme et porte en elle les germes d'une société totalitaire d'un nouveau genre.»

«Celle-ci, tout en exaltant la "liberté", enserre ses membres dans les mailles d'un filet toujours plus serré, leur dictant au bout du compte le moindre de leurs comportements.» Dans le droit fil, Bertrand Poirot-Delpech, reprenant les propos de François Barré, remarquait il y a près de dix ans dans Le Monde que la publicité était la "dernière idéologie totalitaire" ; «par son encouragement structurel à un conformisme de masse» ajoute Philippe Breton.

"L'essayer c'est l'adopter". Une fois "le doigt dans l'engrenage", difficile de revenir en arrière. On ne peut plus s'en passer, du moins c'est ce que l'on croit. Et c'est cette croyance et toutes les autres croyances et opinions qui sont entretenues ou modifiées par la "persuasion clandestine" diffusée en boucle. "Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis", peut-être, mais imiter ou répéter n'a jamais été une preuve d'intelligence.

Bertrand Poirot-Delpech écrivait encore dans Le Monde : "La publicité et les spectacles qu'elle impose n'aident pas à s'instruire, à rêver, à choisir librement bonheur et shampooing, à croquer la vie à pleines dents, à être en forme, gagneur, nu sous les tropiques, entouré de top models, de plain-pied avec son temps, etc. Ils changent le citoyen en client sous hypnose et l'esprit critique en machine à s'émouvoir, à compatir, à désirer des produits".