Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/05/2025

Pas d’ascension sociale sans éducation… et sans travail

L’éducation est considérée comme un droit fondamental, affirmé dès la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 par son article 26 :

« 1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite. 
2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. 
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.
 ».

Mais cette notion d’éducation a vu son sens élargi aux besoins éducatifs fondamentaux dans la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous faisant suite à la conférence mondiale sur l’éducation pour tous organisée en 1990 par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et la Banque mondiale. Déclaration qui « sonnait, selon le Mouvement Les Voies, comme un rappel urgent de cette mission imparfaite, à savoir offrir à chaque enfant les outils nécessaires pour comprendre et transformer le monde. Car l’éducation n’est pas seulement un vecteur de savoirs, elle est le socle sur lequel repose l’avenir des sociétés. C’est elle qui forge les compétences fondamentales, celles qui ouvrent les premières portes, savoir lire, écrire, compter. Mais l’éducation va bien au-delà de ces premiers pas. Elle est le moteur qui aiguise la pensée critique, qui enseigne à coopérer, à résoudre des problèmes complexes, à imaginer des solutions nouvelles. C’est à travers elle que chaque enfant devient progressivement un citoyen capable de participer activement à la vie de la cité, de s’y intégrer, puis d’en être un acteur éclairé et responsable » (article Repenser le système éducatif : lutter contre les inégalités scolaires en France du 7 octobre 2024).

L’article I de cette déclaration, intitulé Répondre aux besoins éducatifs fondamentaux, est ainsi formulé :

« 1. Toute personne - enfant, adolescent ou adulte - doit pouvoir bénéficier d’une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux. Ces besoins concernent aussi bien les outils d’apprentissage essentiels (lecture, écriture, expression orale, calcul, résolution de problèmes) que les contenus éducatifs fondamentaux (connaissances, aptitudes, valeurs, attitudes) dont l’être humain a besoin pour survivre, pour développer toutes ses facultés, pour vivre et travailler dans la dignité, pour participer pleinement au développement, pour améliorer la qualité de son existence, pour prendre des décisions éclairées et pour continuer à apprendre. Le champ des besoins éducatifs fondamentaux et la manière dont il convient d’y répondre varient selon les pays et les cultures et évoluent inévitablement au fil du temps.

2. En pourvoyant à ces besoins, on confère aux membres de toute société la capacité - ainsi que la responsabilité correspondante - de respecter et faire fructifier leur patrimoine culturel, linguistique et spirituel commun, de promouvoir l’éducation d’autrui, de défendre la cause de la justice sociale, de protéger l’environnement, de se montrer tolérants envers les systèmes sociaux, politiques ou religieux différents du leur, en veillant à ce que les valeurs humanistes communément admises et les droits de l’homme soient sauvegardés, et d’œuvrer pour la paix et la solidarité internationales dans un monde caractérisé par l’interdépendance.

3. Un autre but, non moins fondamental, du développement de l’éducation est la transmission et l’enrichissement des valeurs culturelles et morales communes. C’est en elles que l’individu et la société trouvent leur identité et leur valeur.

4. L’éducation fondamentale n’est pas seulement une fin en soi. Elle est l’assise d’une formation permanente et d’un développement de l’être humain, sur laquelle les pays peuvent édifier de façon systématique d’autres niveaux et d’autres types d’éducation et de formation. »

L’éducation est capitale

Dans un article paru dans la revue Commentaire (2019/4 Numéro 168), l’économiste français Jean Tirole (Prix 2014 de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel) avance qu’« il est de connaissance commune que l’éducation conditionne la réussite de l’individu sur le marché du travail, à court comme à long terme. De façon plus subtile, l’éducation affecte aussi la capacité de l’individu à réapprendre tout au long de la vie (…). L’éducation conditionne aussi (ce que les économistes appellent prosaïquement) le marché du mariage. La tendance déjà forte des individus à se marier avec quelqu’un du même niveau éducatif s’est accentuée ces dernières années (…) ».

L’éducation apparaît ainsi comme le moyen principal de s’élever dans l’échelle sociale, d’améliorer sa position sociale. Cet ascenseur social ou cette mobilité sociale (ascendante) n’est cependant possible que si l’égalité des chances est garantie. Comme l’écrit encore Jean Tirole, « son existence protège les citoyens contre le risque de ne pouvoir accéder à une bonne éducation et des premiers emplois attractifs parce que l’on naît dans une famille démunie, peu instruite ou peu informée de la qualité des différentes filières et des bénéfices de la réussite scolaire ». Et de fait par exemple, l’accès général à l’enseignement supérieur a permis aux enfants d’ouvriers et d’employés de parvenir à des situations sociales plus favorables que celles de leurs parents.

L’éducation est un capital

Un autre économiste, l’Américain Gary Stanley Becker dans son ouvrage Human Capital (Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research, New York, 1964), définit le capital humain comme « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. ». Et ajoute Stéphanie Fraisse d’Olimpio, professeure agrégée de sciences économiques et sociales et autrice de l’article sur Les fondements de la théorie du capital humain sur le site SES-ENS de l’École Normale Supérieure de Lyon, selon Becker « chaque travailleur a un capital propre, qui lui vient de ses dons personnels, innés, et de sa formation. Son stock de capital immatériel peut s’accumuler ou s’user. Il augmente quand il investit, ce qui détermine les différences de productivité, et, par hypothèse, de revenu ».

Paul Baravid, agrégé en économie gestion, professeur de faculté, écrit dans l’ouvrage collectif La culture générale en livres - Du XVIe siècle à nos jours, sous la direction de Jean-Claude Bibas et paru en 2010 aux éditions Ellipses : « (…) Gary Becker développe l’idée que l’éducation augmente la productivité de celui qui la reçoit. Cette hypothèse est novatrice et même révolutionnaire par rapport au courant dominant de l’analyse économique puisqu’elle entraîne la conclusion que l’on peut considérer l’éducation comme un investissement dans l’homme ; ce dernier est donc accepté comme le support possible d’un capital. (…) Il découle directement de cette observation qu’en tant qu’élément de la richesse d’une nation, et source de revenus futurs, les connaissances, qualifications et aptitudes dont fait preuve la population d’une économie sont un capital pour celle-ci au même titre que peuvent l’être les ressources naturelles, les machines ou les équipements ».

Un investissement dans une économie de la connaissance

L’éducation donc comme investissement dans l’acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être, comme condition d’accroissement de son potentiel productif et d’accès à de meilleurs emplois, et donc comme source de revenus futurs plus élevés, revenus vus comme le produit ou « le rendement du capital humain, la rémunération de l’investissement dans l’éducation » comme l’exprime Stéphanie Fraisse d’Olympio. Ainsi « un individu peut consentir à retarder son entrée sur le marché du travail, et à changer son arbitrage travail/loisirs, parce que le salaire qu’il attend ensuite est supérieur à celui qu’il aurait eu sans formation ». Il s’agit d’un pur calcul coût-avantage, de motivations économiques, d’optimisation, de choix ou d’options rationnels, tel un homo œconomicus selon l’expression du philosophe et économiste anglais John Stuart Mill. Et c’est cette approche, pour « avoir étendu le domaine de l’analyse microéconomique à un grand nombre de comportements humains », qui a valu à Gary Becker en 1992 le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel.

Déjà au XIXe siècle, un économiste cette fois britannique, Alfred Marshall, se disait « très favorable à la généralisation de la formation afin de réduire le nombre d’ouvriers non qualifiés. Il pensait que seule la formation pouvait réellement améliorer leur bien-être par de meilleurs salaires et par une valorisation de leur position sociale » (Wikibéral). Il avait aussi cette formule : « la connaissance est notre moyen de production le plus puissant ». Mais n’oublions pas que, pour Gary Becker notamment, l’acquisition du capital humain pour sa part éducative, passe d’abord par la famille avec la transmission de savoirs aux enfants et la contribution au développement de leurs capacités, puis par l’école et l’enseignement supérieur où s’acquièrent connaissances et compétences, puis par l’expérience professionnelle et la formation continue qui contribuent à élever directement ce capital humain.

Un investissement dès la petite enfance pour l’égalité des chances

« (…) Nous savons (en particulier par les travaux d’Heckman et ses coauteurs) que l’investissement parental joue un rôle primordial dans la réussite scolaire et sociale. » Ce qu’affirme ici Jean Tirole dans l’article précité et qui est fondamental, repose sur les conclusions de l’économiste américain James Joseph Heckman et le chercheur Stefano Mosso ("The economics of human development and social mobility", Annual Review of Economics, Annual Reviews, vol. 6(1), 2014, p. 689-733). James Heckman, « spécialiste de l’économie du développement humain, a remporté le Prix Nobel en 2000 en démontrant les gains économiques engendrés par un investissement massif en petite enfance. Ses travaux ont montré que ce sont les investissements auprès des enfants défavorisés de moins de cinq ans et de leur famille qui ont le taux de rendement le plus élevé, argument financier politiquement très porteur en faveur des interventions précoces. Les travaux de Heckman sont venus étayer l’idée que pour avoir une population en bonne santé physique et psychique, en capacité d’intégrer le marché du travail, moins dépendante des minima sociaux et des aides publiques, alors il fallait mettre le paquet sur les très jeunes enfants, surtout ceux des familles les plus précaires (…) » (site de l’association Papoto, Parentalité Pour Tous).

Et puis, peut-être que les idées simples sont parfois les meilleures, notamment celle-ci exprimée par nombre de chercheurs : le cerveau est plastique, plus on l’exerce, plus il est performant. Ce simple constat scientifique clôt toute discussion oiseuse sur l’égalité des chances. Pour les enfants qui n’ont pas eu la chance de naître dans un milieu stimulant ou pouvant (s’)offrir des "stimulants" parascolaires ou extrascolaires, l’école a le devoir d’exercer intensément leurs cerveaux afin de rattraper cette inégalité, ce qui demande de la part des professeurs une volonté, une implication et un travail sans faille au quotidien. L’exigence et l’excellence sont pour tous et pour toutes les filières, générale, technique ou professionnelle. Et il n’y a aucune liberté pédagogique qui vaille et qui devrait tenir face au droit fondamental de tous les enfants d’être parfaitement instruits et éduqués. Ils ne sont pas des cobayes sur lesquels il serait possible de tenter des expériences ou des innovations pédagogiques qui par nature n’ont pas encore fait leurs preuves.

L’éducation qui est devenue un droit, est une longue histoire au cours de laquelle on aura assisté à une montée du niveau d’études à chaque génération et, jusqu’à récemment, à une ascension sociale avec le développement d’emplois toujours plus qualifiés. Cette ascension sociale est moins collective aujourd’hui et souvent le résultat individuel d’un parcours scolaire sélectif, réussi et validé par un ou des diplômes reconnus offrant des débouchés, de réelles perspectives professionnelles. Ce qui donnerait raison à Jérôme Lecat, directeur général de Scality, qui affirme que « La condition de l’ascenseur social, c’est le travail ».

 

P.S. (sans jeu de mots) : dans un numéro du Nouvel Observateur qui débute par une pub pour une banque, pour poursuivre par des marques de smartphones haut de gamme, des grandes écoles de commerce, le groupe de cosmétiques Coty, pour finir par les annonces habituelles de propriétés et châteaux hors de prix, sans oublier la rubrique titrée "Éviter la hausse d’impôt", voici qu’une enseignante, sur fond d’un documentaire sur la pauvreté, s’essaye avec humour (?) à faire d’une "trousse de marque" très classe le "marqueur" d’une lutte des classes en classe, l’injustice reposant sur l’héritage, la rente, et le ridicule sur la vanité, le snobisme... Imaginons un documentaire consacré à la réussite par leur travail de créateurs, d’entrepreneurs..., qui leur permet de s’offrir des produits et services de qualité souvent plus chers. Imaginons que l’enseignante s’interroge sur l’égalité des chances qu’elle est censée assurer pour faire réussir tous ses élèves. Imaginons qu’elle se demande pourquoi ce sont les enfants de cadres supérieurs et... d’enseignants qui réussissent le mieux à l’école !

P.S. 2 : dans un article de 1968 (!), intitulé malicieusement Crime et châtiment, l’économiste américain Gary Becker cité ci-dessus, « examine les motivations économiques des délinquants et avance que les comportements criminels peuvent être considérés comme des options rationnelles, en l’absence de la certitude d’un châtiment inévitable et sévère [je souligne] » (La culture générale en livres, Paul Baravid, éditions Ellipses, p. 925). A méditer après des décennies durant lesquelles des influents ont cherché à déresponsabiliser ou justifier, et considéré que la sanction ou la punition ne faisait pas partie de l’éducation, avec les résultats que l’on sait, notamment dans les familles ou à l’école. Une peine doit être inéluctable et immédiate, une peine doit être également pénible et pas seulement une privation de liberté d’aller et venir (somme toute peu éprouvante pour certains en milieu carcéral et ne parlons pas de la "détention à domicile sous surveillance électronique" dont même la formulation prête à sourire). Ce n’est qu’à ces conditions que la peine sera éducative avec évidemment toutes les mesures favorisant la réinsertion et prévenant la récidive.

28/04/2025

A Dieu François, frère du peuple

Il me souvient d’une boutade de mon enfance. Une histoire sous forme d’un dialogue entre deux personnages. « Un nouveau pape est appelé à régner. » « Araignée, quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ?! ». Et voilà qu’il y a douze ans, un nouveau pape était appelé François en hommage à François d’Assise, et qu'il vient de nous quitter. Et pourquoi pas François de Sales ou François Xavier ?

Le pape François avait répondu lors de son audience aux représentants des moyens de communication : « C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et préserve la création (…). Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! ». Difficile de parler plus clair. François d’Assise était l’homme de la situation pour l’Église et pour le monde.

Celui qui en 1207, à vingt-cinq ans, s’est entièrement dépouillé pour « (…) vivre conformément au saint Évangile », ainsi qu’il l’écrivait dans son testament. Lui, Francesco Bernardone, le jeune homme riche, fils d’un marchand de drap d’Assise en Italie, a tout quitté pour "suivre Jésus". Et ses contemporains ne s’y sont pas trompés. Ils l’appelèrent « l’autre christ », « le nouveau christ ».

En 2009, pour les 800 ans de l’ordre créé par saint François d’Assise, le ministre général des franciscains revenait dans un entretien au journal La Croix sur l’identité de la famille franciscaine. Fraternité, non-violence, prière, pauvreté, liberté, amour… sont quelques-uns des mots-clés pour la cerner. Mais trois citations permettent d’aller au cœur de l’esprit franciscain.

« Pour nous, expliquait le Père Carballo, la pauvreté doit être vécue comme synonyme de liberté. Pour être vraiment libre, l’homme doit pouvoir se libérer du matérialisme. (…) notre vœu consiste à vivre "sans rien en propre", nous ouvrant ainsi à cette liberté vis-à-vis des biens matériels et de la tentation de posséder l’autre. (…) La grande tentation de l’homme contemporain est de dominer l’autre (…). »

Et continuait le ministre général, « Le drame du christianisme en Occident n’est pas de décroître, mais que nous sommes trop peu chrétiens. Pas trop peu de chrétiens, mais trop peu chrétiens ! (…) Nous devons témoigner, par nos vies et par nos paroles, que l’Évangile est encore aujourd’hui une belle et bonne nouvelle, pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui ».

L’ordre des franciscains, soulignait-il en conclusion, « se construit sur trois piliers : (…) la qualité évangélique de notre vie, les études (…), et enfin, la proximité avec les gens, particulièrement les plus pauvres ». Huit siècles que les franciscains sont les « frères du peuple ». Le pape François s’inscrivait dans cette démarche en y ajoutant la dimension environnementale apportée par Jean-Paul II.

Car dès 1979, celui-ci déclarait saint François d’Assise « patron de l’écologie » et appelait régulièrement comme en 1990 à une « conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement » ; « (…) en adoptant, disait Benoît XVI en 2006, un style de vie et de consommation compatible avec la sauvegarde de la Création et avec les critères de justice (…) ».

En d’autres termes, ajoutait-il en 2007, « (…) Suivre le chemin de traverse du véritable amour : un mode de vie sobre et solide, avec (…) un profond intérêt pour le bien commun ! ». Le pape François prenait le relais des propos de ses prédécesseurs pour rappeler qu’au cœur du message évangélique il y a l’esprit de pauvreté qui est absolument contraire à l’esprit de notre temps.

Rien de révolutionnaire donc ? Non, toujours aussi révolutionnaire, comme il y a 2000 ans Jésus-Christ dont les paroles, indique l’historien Jean-Christian Petitfils, « impliquent un appel à fonder les rapports sociaux sur le partage, le respect de l’autre, l’amour fraternel, le rejet de la violence des puissants. Mais la révolution annoncée est d’abord une révolution intérieure, qui doit tout transformer.

« Le renversement évangélique commence par la subversion des cœurs. » Et voilà ce qu’impliquait le choix de François d’Assise par le cardinal Jorge Mario Bergoglio : faire retour à l’Évangile, à tout l’Évangile, pour « le vivre dans sa radicalité » comme les frères franciscains. « La radicalité de l’amour absolu, note encore Jean-Christian Petitfils, exige que tout lui soit subordonné. »

25/03/2025

"L'art de plaire est l'art de tromper" (Vauvenargues)

Chercher à plaire est sans doute la grande affaire de la plupart des personnes physiques ou morales. La séduction est l'arme la plus employée pour conquérir le pouvoir, un marché, une clientèle, les cœurs, l'estime, une femme ou un homme. «La volonté de séduire, c'est-à-dire de dominer» écrivait Colette, de subjuguer les esprits. Et ajoutait Roger Caillois : «Quand il s'agit d'un art du langage, séduire c'est à la fin persuader», en douceur.

«Ce que Lionel Bellenger appelle la "persuasion-séduction", rappelle Philippe Breton dans son livre La Parole manipulée aux éditions La Découverte, est à l'œuvre "tant dans les relations interpersonnelles que dans la communication de masse, la publicité ou la politique" Au point que «Le phénomène est devenu si courant, (...) que nous finissons par ne plus le voir (...)». Son omniprésence le rend comme invisible, imperceptible.

Mais «Là où, dans les relations humaines, séduire relève de sa propre finalité, son usage stratégique dans l'action de convaincre relève systématiquement de la tromperie. Ce n'est plus plaire pour plaire, c'est plaire pour vendre, plaire pour emporter les suffrages de l'électeur, plaire pour commander. Il s'agit bien d'une stratégie de détour». Familièrement, on dirait "draguer", "faire du baratin", ou faire sa cour pour avoir une cour.

Chercher la faveur de publics divers pour se retrouver en position d'accorder des faveurs, voilà la logique de bien des politiques. Philippe Breton indique que «Bellenger insiste sur le fait que le séducteur s'adapte aux circonstances, c'est-à-dire à l'auditoire : "Le séducteur est celui qui fait ou dit au moment voulu ce qu'il faut : il fait preuve d'une totale obéissance à l'occasion... Le séducteur ressemble à tout ce qu'il approche"».

«En politique, le prototype du séducteur est le démagogue (...).» : «celui qui veut convaincre qu'il est le bon candidat ou le bon titulaire du poste qu'il occupe. Pour cela, il va faire croire à l'auditoire, par différentes stratégies, qu'il pense comme lui. Mieux : s'adressant à plusieurs auditoires, il va faire croire à chacun d'eux qu'il pense comme eux. (...) Il n'affirme pas son point de vue propre, il se coule dans le point de vue d'autrui.»

Mais à dire ce que les gens veulent entendre, "à flatter les aspirations à la facilité ou les préjugés du plus grand nombre pour accroître sa popularité, pour obtenir ou conserver le pouvoir", on finit VRP "aux mains" d'une clientèle qui "a toujours raison". De même qu'à chercher le soutien des influents, on finit "sous influence". «L'esclave n'a qu'un maître. L'ambitieux en a autant qu'il y a de gens utiles à sa fortune» écrivait La Bruyère.