17/09/2013
Travailleur indépendant : "métier" d'avenir ?
Arrivé au terme (provisoire) de la réflexion sur le travail engagée voici deux semaines, l'on est en droit de s'interroger sur la prise de conscience par les dirigeants du malaise observé au travail et surtout sur leur volonté d'en réformer son organisation. Pourtant le constat est là et nombre d'études convergent pour signifier l’"abattement mêlé d'ennui, de dégoût, de découragement" du salarié français, en un mot : sa lassitude.
Le Conseil économique et social cité dans un dossier de L'Express, estimait que "ce sont les conditions de travail qui mériteraient d'être revalorisées". «Le travail précaire, l'insécurité de l'emploi, l'absence de déroulement de carrière et de valorisation des qualifications représentent, dans l'opinion des travailleurs, des facteurs beaucoup plus puissants de démotivation que la mesure quantitative du temps passé au travail.»
François Dupuy, président de la société de conseil Mercer Delta, était plus incisif : «Ce n'est pas la valeur travail qui s'est détériorée, c'est le travail lui-même». Un travail où le salaire est la variable d'ajustement pour maintenir ou rétablir les "équilibres financiers", où pire même, «Les salariés ont été instrumentalisés au nom de la logique financière» appuyait Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants.
«Comment s'étonner qu'ils s'interrogent sur leur motivation et mettent de la distance entre eux et leur boulot ?» D'autant plus, observait le sociologue Jean-Pierre Le Goff dans un numéro de la revue Le Débat, que «L'intensification du travail a comprimé les espaces de liberté, détérioré les rapports et l'ambiance de travail avec des effets de fatigue et de stress». Ceci s'ajoutant à des tâches que l'on a vidées de leur sens.
«Plus personne ne sait parler du métier, du contenu du travail, alors que c'est précisément ce qui rend les salariés fiers et heureux. On ne parle plus que des contraintes, de combien ça coûte et combien ça rapporte» soulignait Hervé Juvin, président de la société de conseil en stratégie Eurogroup Institute. «Les gens ont le sentiment que peu importe ce qu'ils font et comment ils le font. Seule compte la réalisation des objectifs.»
La solution ? Alain la suggérait dans ses Propos sur le bonheur : «Le travail est la meilleure et la pire des choses ; la meilleure, s'il est libre, la pire, s'il est serf. J'appelle libre au premier degré le travail réglé par le travailleur lui-même, d'après son savoir propre et selon l'expérience. (...) Tous les métiers plaisent autant que l'on y gouverne et déplaisent autant que l'on y obéit (...) et tout homme préférera un travail difficile où il invente et se trompe à son gré à un travail tout uni mais selon les ordres. Le pire travail est celui que le chef vient troubler ou interrompre».
Le salut du salarié viendrait-il d'un retour à la lettre ou à l'esprit du travailleur indépendant ?
11:01 Publié dans Economie/travail | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : malaise au travail, salarié français, lassitude, conseil économique et social, magazine l'express, conditions de travail, travail précaire, insécurité de l'emploi, absence de déroulement de carrière, absence de valorisation des qualifications, travailleurs, démotivation, temps passé au travail, françois dupuy, mercer delta, valeur travail, salaire : variable d'ajustement, équilibres financiers, salariés instrumentalisés, logique financière, sylvain breuzard, centre des jeunes dirigeants, motivation, distance, jean-pierre le goff, revue le débat, intensification du travail, espaces de liberté, rapports, ambiance de travail, fatigue, stress, tâches vidées de leur sens, métier, contenu du travail, contraintes, combien ça coûte, combien ça rapporte, hervé juvin, eurogroup institute, réalisation des objectifs, alain, propos sur le bonheur, travailleur indépendant | Facebook |
13/09/2013
Les cadres en rupture avec l'entreprise
Il existe des années qu'on pourrait qualifier de "prophétiques", c'est-à-dire annonciatrices de l'avenir. Et 2004 en est une, en particulier en matière d'emploi pour les jeunes diplômés. Pourtant, on leur avait certifié qu'un diplôme bac +4 et plus leur ouvrirait les portes, leur assurerait un avenir radieux. Et clac, sortis des études, les portes claquent à leur nez, l'avenir s'obscurcit. Y aurait-il eu tromperie sur la "marchandise" qu'on leur a vendue ?
«Seuls 50 % des étudiants de niveau bac +4 ou au-delà, ayant fini leurs études en 2003, occupent un emploi un an plus tard, indiquait une enquête de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec)». Le magazine L'Express notait ainsi que «Pour les jeunes diplômés, le marché du recrutement s'apparente à une grande loterie. A diplômes identiques, la cuvée 2003 a tiré le mauvais numéro». Un sur deux "reste sur le carreau".
Mais ce n'était pas tout. «Non seulement l'insertion professionnelle leur est plus difficile, mais ils doivent aussi se contenter d'un salaire rabougri (- 2 % par rapport à leurs collègues de 2002 ; - 4,6 % par rapport à ceux de 2000). En outre, ils "héritent" d'emplois de plus en plus précaires puisque le taux d'étudiants en CDD est passé, en quatre ans, de 11 % à 21 %.» Etait-ce donc le désamour entre les entreprises et les jeunes ?
«"Ces derniers n'ont pas intégré le principe de réalité" déplorait Jean-Louis Walter, président de l'Apec. Alors que les jeunes se disent attirés par l'intérêt des missions, l'ambiance de travail et l'autonomie, les recruteurs sont persuadés qu'ils sont avant tout séduits par la notoriété de l'entreprise, sa taille et son statut. Beau malentendu !» Et même pire peut-être, visions diamétralement opposées du travail et de l'homme.
Car l'appel au réalisme du président de l'Apec peut être compris comme un appel à la résignation. La réalité étant que c'est à l'homme de s'adapter à l'entreprise, et non l'inverse. Sous-entendu : abandonnez jeunes naïfs vos rêves ! oubliez vos aspirations à devenir ce que vous pouvez être de mieux ! soyez raisonnables, dans le monde réel de l'entreprise, l'intérêt des missions, l'ambiance de travail et l'autonomie sont secondaires !
Total : «79 % des cadres se disent désormais plus proches de la base» que de leur direction. «Devenus» eux aussi «de simples rouages de l'entreprise», ils vivent peut-être mal leur résignation qui est comme "un suicide quotidien" disait Balzac. Et qui répond à la résignation de nos décideurs au monde tel qu'il est, qui là pourrait n'être, comme l'écrivait Maeterlinck, "que de l'ignorance, de l'impuissance ou de la paresse déguisée".
09:58 Publié dans Economie/travail | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 2004, l'emploi pour les jeunes diplômés, diplôme bac +4 et plus, études, étudiants, association pour l'emploi des cadres, apec, magazine l'express, marché du recrutement, grande loterie, insertion professionnelle difficile, salaire rabougri, emplois de plus en plus précaires, cdd, entreprises, jeunes, principe de réalité, jean-louis walter, intérêt des missions, ambiance de travail, autonomie, recruteurs, notoriété de l'entreprise, taille de l'entreprise, statut, malentendu, visions opposées du travail et de l'homme, appel au réalisme, appel à la résignation, s'adapter, monde réel de l'entreprise, cadres plus proches de la base, simples rouages de l'entreprise, "suicide quotidien", balzac, décideurs, maeterlinck, ignorance, impuissance, paresse déguisée | Facebook |
10/09/2013
Travailler pour "savoir quoi faire et dire" ?
Six mille questionnaires dépouillés, tel est le «travail de bénédictin» comme le disait L'Express, de deux sociologues, Christian Baudelot et Michel Gollac. Le résultat de leur enquête est paru chez Fayard il y a dix ans sous le titre Travailler pour être heureux ? Et il semble à première vue que les Français répondent (ou répondaient) par l'affirmative à cette question. Ce qui peut paraître contradictoire avec d'autres études nettement moins optimistes.
«Interrogée sur ce qui est "le plus important pour être heureux", "plus d'une personne sur quatre invoque dans sa réponse le travail, notent les auteurs. Soit directement (22 %), soit sous la forme d'un synonyme - emploi, boulot, métier, profession".» Des sondages et analyses confirmeraient même que les Français placent le travail «juste derrière la famille, lorsqu'on les interroge sur les choses qui comptent le plus dans leur vie».
Ainsi donc les Français seraient «satisfaits de leur travail» et se déclareraient «tout simplement heureux au turbin». Mais nos deux sociologues ont voulu aller plus loin et percer à jour «ce qui les rend heureux dans leur travail». «D'abord, le contact, la rencontre, la relation à autrui, au bureau ou à l'usine. "D'autant plus que l'entreprise est en passe de devenir le seul lieu collectif de lien dans une société déstructurée".»
C'est en tout cas l'opinion du directeur du département développement des personnes de la société de conseil Cegos. «Ensuite s'exprime la satisfaction de faire, de créer, d'agir, d'accomplir. "Le "faire" dont les individus ont besoin pour se réaliser, pour donner un sens à leur vie, est largement incarné dans le travail. Ne demande-t-on pas souvent aux personnes que nous rencontrons ce qu'elles font dans la vie ?".»
Le psychiatre qui s'exprime ici, fondateur du cabinet de conseil aux entreprises Stimulus, confirme ainsi la suprématie de l'action. Ce "faire" qui a tout envahi, le moindre recoin de l'existence. Toutefois, bien souvent, celui-ci ne consiste-t-il pas seulement à s'occuper l'esprit, les mains ?! Obéissant au "Bouge-toi !" impératif de toute la société ; cette action pour l'action. Mais pour quoi faire ?! Car c'est "ce qu'on fait" qui importe.
Ce n'est pas le tout de tout faire pour éviter de "ne pas savoir quoi faire ou s'occuper", encore faut-il qu'il y ait de la matière, un intérêt. Etre "bon à tout faire", ce peut être "ne rien faire de bon", juste meubler ses journées, remplir sa vie. Alors heureux au travail les Français ? Pas malheureux plutôt, puisqu'il leur permet au moins d'avoir quelque chose à faire et quelques personnes de l'extérieur à qui parler. Et c'est bien ça le drame !
10:56 Publié dans Economie/travail | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : magazine l'express, christian baudelot, michel gollac, travailler pour être heureux ?, éditions fayard, le plus important pour être heureux, travail, emploi, boulot, métier, profession, la famille, les choses qui comptent le plus dans la vie, turbin, ce qui rend heureux au travail, contact, rencontre, relation à autrui, entreprise : seul lieu collectif de lien, société déstructurée, société de conseil cegos, satisfaction de faire, satisfaction de créer, satisfaction d'agir, satisfaction d'accomplir, se réaliser, donner un sens à sa vie, cabinet de conseil aux entreprises stimulus, suprématie de l'action, s'occuper l'esprit, s'occuper les mains, bouge-toi, l'action pour l'action, de la matière, un intérêt, bon à tout faire, ne rien faire de bon, meubler ses journées, remplir sa vie, pas malheureux, avoir quelque chose à faire, avoir des personnes à qui parler | Facebook |