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01/03/2013

Sens dessus dessous

Les affiches s'étalaient en 2003. Et à moins d'être un saint ou aveugle, il était difficile de ne pas les voir, de ne pas les regarder. D'un côté, trois jeunes filles "ondulant" chacune près d'une barre métallique. De l'autre, deux jeunes filles portant de discrets gants de boxe alibi et faisant face à un jeune homme en caleçon court. La première affiche avait d'ailleurs déjà été utilisée lors d'une précédente campagne. Sans susciter de réactions.

Pourtant de "petits détails" auraient dû provoquer le courroux immédiat des féministes ou des associations familiales, dont quelques-unes finalement réagirent mais un peu tard. De face, de profil et surtout de dos, ces jeunes filles, à l'âge incertain, photographiées sous tous les angles mais pas sur toutes les coutures, posaient vêtues pour certaines d'un simple string, aussi peu voyant que possible. Les poses étaient suggestives, tout autant que les barres autour desquelles elles étaient lovées.

La pièce vestimentaire précitée découvrait les formes rebondies de ces demoiselles pas farouches, racolant le passant qui n'en demandait pas tant. Et les barres ainsi dressées, ressemblaient furieusement à celles des boîtes de strip-tease où se déchaînent des professionnelles bien de leur personne devant des mâles en furie. Tout cela à la solde d'une marque de sous-vêtements qui visiblement ne se cachaient plus.

«String time» nous disait cette marque, avec cette anglomanie si "tendance". C'est «le temps du string» ; la nouvelle mode. Et ajoutait-elle en slogan : «Be sexy». «Soyez sexy», c'est le mot d'ordre et il n'y a plus qu'à obéir. Le mal nommé cache-sexe n'est là en fait que pour mieux attiser la sexualité. Etre sexuellement attirant, exciter le désir de l'homme, voilà selon certains la vocation du "sexe faible", et ce dès la puberté.

Et de fait, les ventes de ce slip très réduit (pourtant longtemps rejeté par les femmes pour son manque de confort), explosent depuis 2000 en particulier chez les mineures (il y en a aussi pour enfants), sous l'influence directe selon des études de la pornographie. C'est même aujourd'hui le sous-vêtement féminin le plus vendu. Et des parents laissent faire. Comme ils laissent leurs adolescentes - dans leur obsession de plaire - se farder outrageusement, se parer de bijoux et s'habiller léger, court et près du corps.

Un corps qui se doit d'être bien modelé, ou alors remodelé : mince, ferme, musclé, bronzé... Pour répondre aux canons imposés de la beauté et aux impératifs de la séduction, selon des critères masculins. Réduites à "l'esthétique", transformées en objets de plaisir, livrées aux fantasmes sexuels de l'homme dominant, les jeunes filles devraient réagir comme ce collectif de banlieue avec son slogan : «Ni putes ni soumises !».

15/02/2013

Au pied du mur ou dans le mur ?

Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. De partout nous sont arrivés des propos alarmants. Il y a seize ans déjà, Françoise Giroud déclarait au Monde : «C'est la période la plus noire que j'ai connue, à cause de cette désespérance. Certes, j'ai vécu la guerre, les années noires de 1940-1945. Mais on espérait, on se battait. Aujourd'hui les gens se sentent impuissants, et, probablement, ils le sont».

«Plus personne ne contrôle plus rien, confiait en 2003 au Point le ministre-philosophe Luc Ferry. On est dépossédé. La marge de manœuvre et d'efficacité est étroite (...).» Et il s'interrogeait : «Est-ce qu'on est là pour décorer ? Est-ce que la politique existe ou bien disparaît-elle au profit de l'économie mondialisée et de la communication ?». Il se disait pourtant «confiant quant aux chances de limiter le contrecoup social de la mondialisation».

Limiter la casse, voilà à quoi était réduit le gouvernement. François Fillon, ministre alors des affaires sociales..., ne disait pas autre chose à un «Grand Jury RTL-"Le Monde"-LCI» : «(…) On va être placés devant des situations très difficiles en matière d'emploi dans les années qui viennent parce que l'élargissement de l'Union européenne, la montée en puissance de nouveaux pays industriels vont provoquer des délocalisations en cascade».

Mais, ajoutait-il, «nous devons éviter que le rythme de ces délocalisations soit incompatible avec la capacité de réaction de l'économie française». Comment ? Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en parlait aux 4 Vérités sur France 2 : «On a un pouvoir de créer, disons, les conditions pour que les acteurs économiques aient envie d'entreprendre et (...) créent les conditions de cette croissance».

Quel pouvoir !? La croissance n'était pas au rendez-vous, le déficit budgétaire et la dette se creusaient. Et Jacques Attali dans L'Express annonçait avant fin 2003 un plan de rigueur, «ce qui ramènera notre puissance et notre rayonnement à sa triste mesure. Il s'ensuivra une accélération de l'augmentation du chômage : les plans de licenciement d'aujourd'hui ne sont rien à côté de ceux qui se préparent». Nous étions au pied du mur.

Au stade où, comme le soulignait Patrick Devedjan, ministre délégué aux libertés locales, «L'important, c'est de maintenir la cohésion sociale». Françoise Giroud s'exprimait encore ainsi : «On a envie de dire : arrêtons-nous cinq minutes, réfléchissons. Mais est-ce que les gens ont encore la faculté de réfléchir ? (...) Je ne crois pas au progrès moral, mais je crois au progrès social, et nous sommes en pleine régression».

01/02/2013

Consentir des sacrifices pour réussir

Un philosophe et professeur, ministre alors de l'Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche, Luc Ferry, s'interrogeait dans un livre paru chez Grasset en 2002 : «Qu'est-ce qu'une vie réussie ?». A sa sortie, le magazine Le Point sondait les Français. 90 % d'entre eux avaient le sentiment d'avoir réussi ou d'être en train de réussir leur vie et 74 % pensaient que réussir sa vie, c'était avoir une famille heureuse.

II semble difficile d'affirmer avoir ou non réussi sa vie avant de passer de vie à trépas. Une parole, une action peut venir bouleverser le bilan d'une vie jusqu'au dernier moment. On ne juge le parcours qu'à l'arrivée. De plus - sans parler des événements fortuits - chacun de nous est libre à tout moment de changer de vie. Une vie réussie pourrait être ainsi une vie librement choisie et pleinement vécue.

Autre enseignement : pour les Français, «mieux vaut réussir sa vie que réussir dans la vie». Mais, par choix ou par nécessité, de plus en plus de couples semblent s'être lancés le défi de réussir les deux, à deux. Cet été-là, L'Express scrutait ainsi ces couples qui jonglent avec vie familiale et vie professionnelle (les trois quarts des couples âgés de 30 à 54 ans comptaient deux actifs en 1998 ; pareil en 2011).

Il en ressort que "courir deux lièvres à la fois" a un coût. Un coût humain que la société fait payer à certains de ses membres, par intérêt ou inconscience. Robert Neuburger, psychiatre, constatait : «Je rencontre deux types de patients : des jeunes avec deux ou trois enfants, en pleine ascension dans leur métier, qui n'ont plus de temps pour eux et dont le couple n'a plus d'espace pour exister ;

... des personnes plus âgées, dont les rejetons ont quitté le nid, qui ont tout - maison, résidence secondaire - mais qui prennent conscience que leur couple est devenu une coquille vide». L'on peut redouter que, s'ils n'y prennent garde ou s'ils ne se séparent en chemin, les premiers seront les seconds vingt ans plus tard. Et que dire quand la concurrence s'installe au sein même du couple !?

Les plus exposés : les jeunes cadres. Les premières victimes : leurs enfants. La compétition interne tournant au conflit quand il s'agit de se répartir les tâches, d'autant plus si les grands-parents sont loin. Une solution (si "famille heureuse" veut dire "vivre ensemble") : la coopération. La solution : si possible le renoncement de l'un, pour une part et un temps, à soi-même. Un sacrifice qui est aussi un don. Réussir sa vie, c'est peut-être aussi aider l'autre à réussir la sienne.