Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/03/2013

Espérance de vie : du passé au présent

Le numéro de mars 2003 de Population et sociétés, le bulletin mensuel d'information de l'Institut national d'études démographiques (Ined), débutait par ces mots de Gilles Pison : «De nos jours, l'espérance de vie à la naissance atteint 79 ans en France, d'après les données de l'état civil» (plus précisément : «75,6 ans pour les hommes et 82,9 ans pour les femmes»). Un chiffre extraordinaire quand on le compare à celui d'il y a un siècle : 45 ans ! Et qui dix ans plus tard continue de progresser : 81,4 ans en 2012 (78,4 ans pour les hommes et 84,8 ans pour les femmes).

«Depuis une trentaine d'années, ajoutait un autre numéro de Population et sociétés de juin 2002, son augmentation résulte principalement du recul de la mortalité chez les personnes âgées». On peut donc avancer qu'auparavant, c'est essentiellement par la baisse de la mortalité infantile que les gains d'espérance de vie ont été obtenus. Et ce grâce aux progrès de l'hygiène et de la médecine : assainissement, désinfection, vaccination...

C'est cette mortalité infantile qui a longtemps "trompé son monde". «Les démographes (...) il y a cinquante ans (...) ont établi que l'espérance de vie à la naissance était de l'ordre de 25 ans aux XVIIe et XVIIIe siècles en France. Cette mesure, qui indique l'âge moyen au décès, est souvent mal interprétée : ce n'est pas à 25 ans que la plupart des gens mouraient. Au moins un nourrisson sur quatre n'atteignait pas l'âge d'un an.»

«Après la première année, la mortalité diminuait assez vite, mais à l'âge de 11 ans, la moitié des enfants avaient déjà disparu (...). Ceux qui avaient réussi à survivre jusqu'à l'âge de 20 ans avaient encore devant eux une espérance de vie d'environ 35 ans, soit davantage qu'à la naissance ; ils mouraient donc autour de 55 ans en moyenne. Un adulte sur deux approchait la soixantaine et une fraction importante la dépassait.»

Voilà qui tord le cou à bien des idées reçues : il y avait en ce temps-là des vieillards, certes peu nombreux mais, nous précisait Claude Masset du CNRS, «dont le rôle social était important». Et ceci reste vrai pour les périodes antérieures : «Disons (...) que la mortalité n'était jadis élevée que chez les vieillards (...) et chez les très jeunes enfants, la majorité des adultes se trouvant largement épargné(sauf «famine, guerre ou épidémie»).

Retour au XXe siècle. L'Ined soulignait que «parmi les personnes nées en 1905, 30 % des hommes et 49 % des femmes ont survécu jusqu'à 75 ans, alors que parmi celles nées en 1925, elles étaient respectivement 44 % et 66 % à être encore en vie à cet âge». Et l'on nous promet maintenant 25 ans d'espérance de vie après 60 ans, et même plus de 28 ans en 2040. Une progression qui explique les régressions passées, présentes et à venir sur les retraites.

01/03/2013

Sens dessus dessous

Les affiches s'étalaient en 2003. Et à moins d'être un saint ou aveugle, il était difficile de ne pas les voir, de ne pas les regarder. D'un côté, trois jeunes filles "ondulant" chacune près d'une barre métallique. De l'autre, deux jeunes filles portant de discrets gants de boxe alibi et faisant face à un jeune homme en caleçon court. La première affiche avait d'ailleurs déjà été utilisée lors d'une précédente campagne. Sans susciter de réactions.

Pourtant de "petits détails" auraient dû provoquer le courroux immédiat des féministes ou des associations familiales, dont quelques-unes finalement réagirent mais un peu tard. De face, de profil et surtout de dos, ces jeunes filles, à l'âge incertain, photographiées sous tous les angles mais pas sur toutes les coutures, posaient vêtues pour certaines d'un simple string, aussi peu voyant que possible. Les poses étaient suggestives, tout autant que les barres autour desquelles elles étaient lovées.

La pièce vestimentaire précitée découvrait les formes rebondies de ces demoiselles pas farouches, racolant le passant qui n'en demandait pas tant. Et les barres ainsi dressées, ressemblaient furieusement à celles des boîtes de strip-tease où se déchaînent des professionnelles bien de leur personne devant des mâles en furie. Tout cela à la solde d'une marque de sous-vêtements qui visiblement ne se cachaient plus.

«String time» nous disait cette marque, avec cette anglomanie si "tendance". C'est «le temps du string» ; la nouvelle mode. Et ajoutait-elle en slogan : «Be sexy». «Soyez sexy», c'est le mot d'ordre et il n'y a plus qu'à obéir. Le mal nommé cache-sexe n'est là en fait que pour mieux attiser la sexualité. Etre sexuellement attirant, exciter le désir de l'homme, voilà selon certains la vocation du "sexe faible", et ce dès la puberté.

Et de fait, les ventes de ce slip très réduit (pourtant longtemps rejeté par les femmes pour son manque de confort), explosent depuis 2000 en particulier chez les mineures (il y en a aussi pour enfants), sous l'influence directe selon des études de la pornographie. C'est même aujourd'hui le sous-vêtement féminin le plus vendu. Et des parents laissent faire. Comme ils laissent leurs adolescentes - dans leur obsession de plaire - se farder outrageusement, se parer de bijoux et s'habiller léger, court et près du corps.

Un corps qui se doit d'être bien modelé, ou alors remodelé : mince, ferme, musclé, bronzé... Pour répondre aux canons imposés de la beauté et aux impératifs de la séduction, selon des critères masculins. Réduites à "l'esthétique", transformées en objets de plaisir, livrées aux fantasmes sexuels de l'homme dominant, les jeunes filles devraient réagir comme ce collectif de banlieue avec son slogan : «Ni putes ni soumises !».

15/02/2013

Au pied du mur ou dans le mur ?

Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. De partout nous sont arrivés des propos alarmants. Il y a seize ans déjà, Françoise Giroud déclarait au Monde : «C'est la période la plus noire que j'ai connue, à cause de cette désespérance. Certes, j'ai vécu la guerre, les années noires de 1940-1945. Mais on espérait, on se battait. Aujourd'hui les gens se sentent impuissants, et, probablement, ils le sont».

«Plus personne ne contrôle plus rien, confiait en 2003 au Point le ministre-philosophe Luc Ferry. On est dépossédé. La marge de manœuvre et d'efficacité est étroite (...).» Et il s'interrogeait : «Est-ce qu'on est là pour décorer ? Est-ce que la politique existe ou bien disparaît-elle au profit de l'économie mondialisée et de la communication ?». Il se disait pourtant «confiant quant aux chances de limiter le contrecoup social de la mondialisation».

Limiter la casse, voilà à quoi était réduit le gouvernement. François Fillon, ministre alors des affaires sociales..., ne disait pas autre chose à un «Grand Jury RTL-"Le Monde"-LCI» : «(…) On va être placés devant des situations très difficiles en matière d'emploi dans les années qui viennent parce que l'élargissement de l'Union européenne, la montée en puissance de nouveaux pays industriels vont provoquer des délocalisations en cascade».

Mais, ajoutait-il, «nous devons éviter que le rythme de ces délocalisations soit incompatible avec la capacité de réaction de l'économie française». Comment ? Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en parlait aux 4 Vérités sur France 2 : «On a un pouvoir de créer, disons, les conditions pour que les acteurs économiques aient envie d'entreprendre et (...) créent les conditions de cette croissance».

Quel pouvoir !? La croissance n'était pas au rendez-vous, le déficit budgétaire et la dette se creusaient. Et Jacques Attali dans L'Express annonçait avant fin 2003 un plan de rigueur, «ce qui ramènera notre puissance et notre rayonnement à sa triste mesure. Il s'ensuivra une accélération de l'augmentation du chômage : les plans de licenciement d'aujourd'hui ne sont rien à côté de ceux qui se préparent». Nous étions au pied du mur.

Au stade où, comme le soulignait Patrick Devedjan, ministre délégué aux libertés locales, «L'important, c'est de maintenir la cohésion sociale». Françoise Giroud s'exprimait encore ainsi : «On a envie de dire : arrêtons-nous cinq minutes, réfléchissons. Mais est-ce que les gens ont encore la faculté de réfléchir ? (...) Je ne crois pas au progrès moral, mais je crois au progrès social, et nous sommes en pleine régression».